La capitalisation du prix des vins de Bourgogne dans le prix des vignes

Des chercheurs du CESAER de Dijon ont publié, dans la Revue économique, une analyse du prix des vignes de Côte-d’Or et de la façon dont le prix du vin y est capitalisé.

Dans un modèle de capitalisation, le prix d’un bien (ici les parcelles de vignes) est déterminé par la somme actualisée des revenus que l’acheteur espère en tirer à l’avenir. Parce qu’il concerne un actif pérenne, l’achat de foncier viticole serait particulièrement déterminé par ces anticipations de revenus, et donc par les anticipations de prix de vente du vin. Si les acheteurs escomptent une forte croissance de ce dernier, le prix des terres auquel arrivent les acteurs sur le marché peut apparaître temporairement déconnecté des revenus générés au cours de l’année : on parle alors de « capitalisation », qui se distingue de la « spéculation » pour laquelle le prix d’un bien est déterminé non par les revenus futurs espérés mais par le prix de revente anticipé.

Les auteurs ont croisé les prix des mutations foncières (transferts de propriété), à l’échelle de la parcelle, de 1992 à 2017, avec leur classement dans les différentes appellations d’origine protégées (AOP), afin d’estimer la « prime » que les différentes AOP apportent au prix des terres. Les mêmes analyses ont été menées, en parallèle, sur le prix des vins en vrac (entre 1997 et 2014) et en bouteille (relevés en 2018, par millésime, appellation et producteur, pour distinguer la prime AOP de l’effet de réputation du viticulteur). Le croisement des deux permet de voir si l’anticipation des revenus futurs (avec un taux de croissance constant) explique les prix constatés.

Il apparaît que les écarts de prix anticipés pour les différents vins AOP ne suffisent pas à expliquer les écarts de prix entre les vignes. Les auteurs ont donc approfondi l’analyse du marché foncier en tenant compte d’effets de gamme, pour voir si la présence d’AOP diversifiées, dans un groupe de parcelles, jouait sur le prix de l’ensemble du lot. Ces effets de gamme se révèlent importants et croissants avec le niveau de prestige des appellations : la présence d’une parcelle dans une mutation, selon le niveau de son AOP, augmente le prix à l’hectare de 25 % à 150 % pour l’ensemble de la transaction. Parallèlement, la diversité de la gamme offerte par un producteur joue sur son revenu estimé et le croisement des deux est concluant pour valider le modèle de capitalisation.

Finalement, la prise en compte de ces effets de gamme montre que c’est bien un mécanisme de capitalisation plus que de spéculation qui détermine le prix des vignes en Bourgogne.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d’études et de prospective

Source : Revue économique

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