Climatoscope 2023 : de nouveaux fronts du dénialisme et de climato-scepticisme sur Twitter

En février, l’Institut des systèmes complexes de Paris Île-de-France (CNRS) a publié l’édition 2023 du Climatoscope. Initié en 2016, ce projet a collecté plus de 400 millions de tweets (anglophones et francophones) contenant des termes liés au changement climatique. Leur étude permet de construire des réseaux d’interaction entre comptes Twitter, d’identifier des communautés (groupes de personnes partageant des croyances et représentations sur un sujet) et d’établir leurs inter-relations. Ce travail apporte une meilleure compréhension de la circulation des narratifs et, en particulier, de ceux relevant de la désinformation.

Au niveau mondial, le débat est polarisé par deux ensembles de communautés : les « pro-climat » et les « dénialistes » (rejetant les synthèses du GIEC, soit 30 % des comptes). L’intensité des échanges varie localement selon des événements saisonniers extrêmes (ex. sécheresses) ou l’actualité internationale (ex. COP). Les dénialistes vont, entre autres, avancer l’argument des effets bénéfiques du CO2 pour les plantes, et les pro-climat plutôt évoquer l’effet de serre, les incendies de forêts, etc. Les experts pro-climat publient principalement sur leurs champs d’expertise. À l’inverse, un groupe restreint de comptes dénialistes s’exprime beaucoup, sur tous les sujets, en étant à l’origine de la majorité des narratifs en circulation. La proportion de comptes « inauthentiques » y est aussi plus forte.

Au niveau français, plusieurs communautés sont caractérisées (figure ci-dessous), entre janvier 2021 et décembre 2022. En 2022, la taille des communautés des « dénialistes » et des « pro-climat » a fortement crû, lors du cycle électoral national puis de la COP-27.

Communautés françaises, caractérisées selon le nombre de comptes et le nombre de tweets
Source : ISC-PIF
Lecture : communauté « GIEC » : scientifiques qui ont contribué aux rapports du GIEC et leurs premiers relais. Communauté « ProClimat » : associations, ONG et militants politiques pro-sciences du climat. Communauté « Médias » : médias mainstream. Communauté « Gouv » : structurée autour de la communication gouvernementale. Communauté « TechnoSol. » : comptes estimant que des solutions (ex. le nucléaire) rendent superflues une partie des mesures défendues par les pro-climat. Communauté « Alt-droite » : partisans de Reconquête !

La communauté dénialiste présente plus de comptes inauthentiques (figure ci-dessous) et de messages à contenu « toxique ». Un seul compte sert de passerelle entre les espaces informationnels français et anglo-saxons, et utilise une rhétorique typique de la subversion. Par ailleurs, un noyau dur de plusieurs milliers de comptes présente des positionnements antivax, antisystème et relaie la propagande du Kremlin sur la guerre en Ukraine. Pour les auteurs, la question de la lutte contre le réchauffement climatique offre donc « un terrain particulièrement favorable à des opérations d’ingérence étrangère de type subversion ». Enfin, si les débats sur Twitter sont canalisés par les publications des synthèses du GIEC, les discours dénialistes et techno-solutionnistes en freinent probablement la dissémination.

Proportion de comptes Twitter aux comportements inauthentiques, par communauté (moyenne mobile sur un mois)
Source : ISC-PIF
Lecture : le score d’inauthenticité de la communauté dénialiste connaît une croissance accélérée à partir de février 2022, pour dépasser de 180 % celui de la communauté GIEC.

Julia Gassie, Centre d’études et de prospective

Source : ISC-PIF

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