Les agriculteurs dans les processus de transition alimentaire

La revue Géocarrefour a consacré fin 2022 un dossier, réparti sur deux numéros, aux évolutions des systèmes alimentaires vers davantage de durabilité. Plusieurs contributions s’intéressent au rôle des agriculteurs dans ces processus.

J. Pahun (Inrae) examine ainsi le volet agricole des politiques alimentaires locales : marchés signés pour approvisionner les cantines, attributions de terres, etc. Elle a réalisé une centaine d’entretiens, en 2017-2019, dans les régions Bretagne, Grand-Est et Occitanie, avec des élus locaux, fonctionnaires territoriaux, syndicalistes agricoles et agents d’accompagnement. La répartition des compétences entre collectivités (régions, départements, agglomérations) « structure leurs possibilités d’intervention ». Les Conseils régionaux sont devenus des chefs de file et ils disposent de visions stratégiques, de ressources humaines et d’expertises. Mais, selon l’auteure, ils seraient « sous l’emprise des groupes d’intérêts locaux agricoles », désormais régionalisés. Dans certains cas, le changement est freiné par la proximité entre élus, syndicalistes et agriculteurs, et par la place des chambres d’agriculture comme points de passage obligé pour la déclinaison des politiques des Régions. Les agriculteurs sont en revanche moins représentés dans les métropoles et les centres urbains, qui ambitionnent des ruptures plus franches avec l’existant. Pour contourner les blocages, les villes tendent à doubler les partenariats avec les chambres par des accords avec d’autres organisations agricoles telles que le réseau Inpact (Montpellier) ou l’Opaba (Strasbourg).

Prenant pour objet la multiplication des appels à projets d’installation agricole depuis 2015, C. Margétic et P. Guillemin (Nantes Université et Inrae) font l’hypothèse de la diffusion, au-delà du soutien au maraîchage de proximité, d’une nouvelle norme implicite d’action publique territoriale. La « création ex nihilo » de nouvelles exploitations par les pouvoirs publics, sur le modèle standardisé de la micro-ferme multifonctionnelle, est avant tout dirigée vers des candidats hors monde agricole. L’article compare les cas de Nantes, Caen et Alençon, où les mêmes outils ont été mis en œuvre. Les résultats sont contrastés, allant de la réussite à l’échec, faute d’offre foncière adéquate, de technicité des candidats, d’accompagnement, etc. Pour encourager des changements à plus grande échelle, les auteurs suggèrent de mieux prendre en compte le contexte agricole local, par exemple en accompagnant des diversifications légumières en grandes cultures, « modèles qui répondent déjà tant aux besoins logistiques qu’aux prix du marché de la restauration collective ».

Enfin, signalons la contribution de M. Hulot (CNRS), qui s’intéresse à « l’assiette des ménages agricoles » en Île-de-France. Elle souligne notamment la diversité des rapports à l’auto-consommation suivant les profils d’exploitations, ainsi que la tendance à l’entre-soi dans les réseaux de sociabilité formés autour des démarches de transition alimentaire (circuits courts et de proximité, etc.).

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Source : Géocarrefour, Géocarrefour

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