Un inventaire des émissions de gaz à effet de serre liées aux usages des terres

Le dernier numéro de la revue Nature présente un recensement des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), liées à l’usage des sols, entre 1961 et 2017. Si les émissions issues de combustibles fossiles sont déjà largement analysées, la compilation de celles liées à l’utilisation des terres, à leur changement d’usage et à l’exploitation de la forêt (rassemblés comme « usage des sols »), est inédite par son ampleur et la période considérée. Sur un pas de temps annuel, à partir des statistiques de la FAO, les émissions et le stockage de GES sont ainsi modélisés par pays, production, type de gaz et processus impliqué (ex. fermentation entérique, récolte de bois). Les émissions de GES sont attribuées aux pays producteurs, et non aux consommateurs des produits finaux puisque l’approche est centrée sur l’usage des sols. De même, dans la base de données constituée, les émissions liées aux cultures ne sont réallouées aux élevages, via l’alimentation animale, que dans un traitement complémentaire.

Il apparaît en particulier (figure ci-dessous), après 40 ans de relative stabilité, que les émissions nettes ont fortement augmenté à partir de 2001, en raison des changements d’usage de sols mis en culture pour la production de céréales et d’oléagineux.

Émissions et stockage mondial de GES liés à l’usage des sols, selon le processus impliqué (à gauche) et le groupe de produits (à droite)

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Source : Nature

Lecture : pour les processus représentés à gauche, de bas en haut, abandon de terres agricoles, mise en culture de sols pour la production de céréales et d’oléagineux (Land Use Change to croplands, LUC_Crops), fermentation entérique, récolte de bois, conversions de terres en pâturage, rizières, tourbières, différentes formes de fertilisation.

Les émissions de GES sont décomposées en fonction de facteurs techniques et socio-économiques, faisant ressortir différents leviers d’amélioration selon les zones. Ainsi, en Afrique et en Asie centrale, l’amélioration des rendements, pour réduire les surfaces nécessaires aux productions, est prioritaire. Le principal levier d’action concerne néanmoins les pays où les émissions ont le plus progressé à cause du changement d’usage des terres, notamment en Amérique latine et en Asie du Sud. Le défrichement de forêts denses pour la production de soja, riz, maïs et huile de palme est en effet responsable de la forte augmentation des émissions.

Si l’approche par pays producteurs permet de bien identifier les problèmes majeurs, à ce stade, une approche complémentaire rapportant les émissions de GES aux consommateurs ferait ressortir d’autres leviers d’action, notamment pour les pays européens. Enfin, le bilan des GES rappelle les enjeux de stockage du carbone dans les sols agricoles : si, sur la période analysée, l’essentiel des « émissions négatives » est dû à l’abandon de terres agricoles, la prise en compte du potentiel de stockage de carbone dans des terres productives est primordiale (voir à ce sujet un autre billet).

Jean-Noël Depeyrot, Centre d’études et de prospective

Source : Nature

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