Les écosystèmes anthropisés sont plus riches en espèces hôtes de pathogènes que les écosystèmes naturels

Un article paru en août dans la revue Nature s’intéresse à l’anthropisation des écosystèmes et à ses effets potentiels sur les espèces hôtes de pathogènes et sur le risque associé de zoonoses. Les êtres humains ont modifié plus de 50 % des terres habitables. Cette transformation des forêts, prairies et déserts en zones urbaines et en terres agricoles a causé le déclin de nombreuses espèces spécialistes (ex. : rhinocéros). Les espèces généralistes (comme les rats) ont, en revanche, pu prospérer dans ces nouveaux habitats. Des chercheurs des universités de Londres et d’Oxford se sont donc demandé si les espèces les plus à même d’abriter des pathogènes (« espèces hôtes ») faisaient partie de la première ou de la seconde catégorie.

Pour répondre à cette question, les auteurs ont utilisé les données de 6 800 assemblages écologiques issues de la base globale PREDICTS, qui compile les éléments concernant environ 3,2 millions d’espèces observées dans plus de 660 études. Ils ont identifié 376 espèces hôtes, étudiées dans 184 travaux portant sur 6 continents (figure ci-dessous). Ils ont ensuite assigné à chaque site une catégorie d’usage des terres (végétation primaire, secondaire, écosystèmes gérés – plantations forestières, prairies, cultures et aires urbaines) et une intensité de cet usage (minimal ou substantiel). Ils en comparent alors les effets sur les espèces hôtes et non-hôtes.

Localisation des études analysées et distribution taxonomique des espèces hôtes de pathogènes

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Source : Nature

Lecture : les points sur la carte montrent la localisation des assemblages écologiques étudiés, avec ceux ciblant les mammifères en noir et les autres en rouge. Les pays en bleu sont ceux pour lesquels au moins une étude a été conduite. Le graphique représente la distribution taxonomique (invertébrés, oiseaux, mammifères, reptiles/amphibiens) des espèces hôtes de pathogènes.

Leurs résultats montrent que la richesse et l’abondance des espèces hôtes sont supérieures dans les habitats anthropisés par rapport aux écosystèmes primaires. Ces constats s’inversent pour les espèces non-hôtes (figure ci-dessous). En conséquence, les espèces hôtes représentent une proportion plus importante de la diversité spécifique (+ 18 à 72 %) et de l’abondance totale (+ 21 à 144 %) dans ces milieux. L’amplitude de ce résultat, qui varie selon les taxons, est particulièrement forte pour les rongeurs, les chauve-souris et les passereaux hôtes. Enfin, les auteurs montrent que les espèces de mammifères abritant le plus de pathogènes sont plus présentes dans les écosystèmes gérés par l’homme. Ils suggèrent donc que la restauration des habitats dégradés et la protection des zones naturelles pourraient bénéficier à la fois à l’environnement et à la santé publique.

Liens entre l’utilisation des terres, et la richesse et l’abondance des espèces hôtes de pathogènes

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Source : Nature

Lecture : a) richesse spécifique (nombre d’espèces), b) abondance totale (nombre d’individus), c) part des espèces hôtes dans la richesse spécifique et d) part des espèces hôtes dans l’abondance totale. Espèces hôtes en rouge, espèces non-hôtes en vert, usage minimal des terres représenté par des points, usage substantiel par des triangles.

Estelle Midler, Centre d’études et de prospective

Source : Nature

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