Ville affamée. Comment l’alimentation façonne nos vies, Carolyn Steel

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« Les villes, comme les gens, sont ce qu’elles mangent ». Cette citation, reprise de la quatrième de couverture, illustre pleinement l’objet de cet ouvrage riche et dense, portant sur les relations entre nourriture et ville, et sur la façon dont la première a toujours façonné la seconde. Architecte, C. Steel a consacré sept ans à l’écriture de Hungry city, s’appuyant notamment sur son expérience d’animation du premier atelier de conception urbaine de la London School of Economics : la nourriture représente un « langage commun pour parler de la ville » entre acteurs (architectes, politiques, économistes, promoteurs, sociologues, ingénieurs, etc.). Rédigé à une période où les thématiques alimentaires prennent de plus en plus de place en Angleterre, cet ouvrage n’en traite pas moins de thèmes « essentiels aussi vieux que la civilisation », et se veut une « introduction à un mode de réflexion ».

Les six premiers chapitres suivent les grandes étapes alimentaires : « la terre », « l’approvisionnement », « marché et supermarché », « la cuisine », « à table », « les déchets ». Chacun comprend un portrait de Londres et de la situation anglaise, fait de larges détours historiques et identifie les problèmes actuels. À titre d’exemple, le second chapitre revient sur les modalités historiques d’approvisionnement des villes : si les problématiques varient selon les cas et les époques, certains enjeux restent d’actualité. Ainsi, pour l’auteur, « nous dépendons autant de nos livraisons à flux tendus, énergivores et congelées que les Romains de l’Antiquité dépendaient de leurs conquêtes territoriales, de leurs navires et de leurs esclaves ».

Le dernier chapitre, « Sitopia » (du grec ancien sitos, la nourriture), présente une réflexion sur l’utilisation de la nourriture pour repenser les villes à l’avenir. Partant du projet avorté d’éco-cité de Dongtan et faisant un détour par la façon dont les villes, et leur alimentation, ont été imaginées dans différentes utopies (la cité-État idéale de Platon, l’Utopie de More, les cités-jardins d’Howard notamment), C. Steel envisage à quoi ressemblerait une ville « sitopique », conçue à travers la nourriture et façonnée par elle. L’auteure termine son ouvrage en en appelant à l’implication de chacun au travers de « petites réponses », vecteurs de changements par leur agrégation.

Julia Gassie, Centre d’études et de prospective

Lien : Rue de l’échiquier

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