Colloque FARM et Pluriagri – Agriculture délaissée : terreau de l’insécurité

Organisé le 16 décembre dernier, le colloque annuel de FARM et de Pluriagri avait pour objectif de montrer en quoi le non-développement de l’agriculture pouvait être, dans les pays du Sahel et certains pays arabes, un facteur causal ou aggravant d’insécurité.

Les témoignages et les analyses ont mis en exergue les principaux facteurs ruraux de tension contribuant à l’éclatement des crises sécuritaires :

– l’explosion démographique rurale, l’absence de perspective pour la jeunesse et ses conséquences, comme par exemple le développement de trafics qui minent les tissus sociaux ;

– la marginalisation-paupérisation de certaines populations (groupes ethniques) et/ou de certaines zones (inégalités horizontales) ;

– l’absence d’État sur de vastes territoires peu peuplés, sans mécanisme alternatif de régulation des tensions ;

– les coexistences entre les populations autochtones et de passage, notamment les liens entre le pastoralisme et l’agriculture ;

– les conflits pour les ressources naturelles.

Ainsi, au Sahel (exemple du Mali en particulier), le délaissement de zones marginalisées, cumulé à celui du principal secteur d’activité qu’est l’agriculture, a laissé la place libre au développement de groupes armés et créé les conditions d’un soutien des populations locales, surtout jeunes, à ces mouvements. L’occupation par des groupes armés des zones rurales est de plus un facteur d’insécurité alimentaire, l’activité agricole ne pouvant s’y dérouler normalement (pillages, impossibilité de déplacements, difficultés d’approvisionnement en intrants et de commercialisation, etc.). Ces perturbations, ajoutées à une déstabilisation des marchés de certains produits agricoles par l’aide alimentaire, dépassent les seules zones occupées et ont des répercussions sur toute l’économie agricole nationale, voire régionale, touchant en premier lieu les petits agriculteurs.

Dans le casdes pays arabes, la dernière table ronde a montré en quoi les principaux facteurs soulignés précédemment pouvaient également se retrouver dans l’analyse des récents bouleversements. L’évolution du contexte rural asa place dans l’analyse de ces crises pourtant principalement urbaines. Les tensions ont notamment éclaté au sein de populations déracinées issues de zones rurales marginalisées. À ce propos, selon Rachid Benaïssa, ancien ministre de l’Agriculture algérien, les mesures prises par l’Algérie suite à la guerre des années 1990 – orientées vers la création d’emplois, la valorisation de la ruralité et l’absence de marginalisation territoriale – expliqueraient en partie le fait que la crise de 2011 ne se soit pas propagée dans ce pays. Enfin, prenant le cas de l’Égypte et de la Syrie, Pierre Blanc (Sciences-Po Bordeaux) a montré l’intérêt d’une lecture de l’évolution politique des pays de la zone au regard des dynamiques rurales, et souligné notamment l’analyse qui peut être faite des radicalisations de populations au regard des facteurs fonciers et de réformes agraires.

Claire Deram, Centre d’études et de prospective

Source : FARM

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