Trois récents scandales sur les publications scientifiques et la recherche mondiale

Trois récentes études, publiées dans de prestigieuses revues, ont révélé plusieurs scandales dans le domaine de la recherche académique : deux en lien avec de fausses publications scientifiques et une mettant en évidence de graves inégalités hommes-femmes dans le secteur de la recherche. Les questions soulevées dans ces articles concernent également la recherche agronomique mondiale, et doivent sans doute interroger ses pratiques.

 

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Dans la première étude, publiée dans la revue Science, un journaliste a tenté de soumettre un article volontairement erroné dans plusieurs revues scientifiques en libre accès sur Internet (revues dites open-access). L’article était signé d’un faux nom de chercheur, affilié à un centre de recherche imaginaire. Sur les 304 journaux testés, plus de la moitié a accepté de publier l’article, dans un délai moyen de 40 jours et parfois sans relecture critique, alors même que ce dernier contenait de grossières erreurs. Moins de 100 journaux l’ont rejeté. 16 revues ont même accepté l’article en dépit d’un avis défavorable de la part des reviewers. La revue Plos One, qui a fait l’objet de critiques lors de son lancement, a quant à elle rejeté l’article. Le système des publications open-access, selon lequel c’est l’auteur qui prend en charge les frais de publication, a été lancé dans les années 2000, à l’origine pour permettre le libre accès de tous à la connaissance scientifique. Un modèle qui montre aujourd’hui certaines limites, pour partie liées à la politique actuelle d’incitation à la publication publish or perish.

Sur ce même thème, la seconde étude, publiée dans Science, révèle l’existence d’une sorte de « marché noir » de la science en Chine. L’enquête journalistique montre qu’il est possible de payer (plusieurs milliers d’euros) soit pour voir son nom ajouté aux auteurs d’articles scientifiques en cours de relecture, soit pour qu’un article soit écrit à votre place, à partir de données réelles ou mêmes inventées. Le succès des agences qui proposent ces services semble s’expliquer par le fait que les articles publiés sont ensuite répertoriés dans la base de données qui sert à évaluer les chercheurs chinois. Cette enquête pose donc de nombreuses questions et encourage Pékin à promouvoir les bonnes pratiques, afin que l’image de la recherche chinoise à l’étranger ne soit pas celle d’une recherche frauduleuse et corrompue.

Enfin, dans la dernière étude, publiée dans Nature, 5,5 millions d’articles comportant plus de 27 millions de signatures du monde entier ont été utilisés pour analyser les inégalités hommes-femmes dans la recherche internationale. Cette analyse bibliométrique met d’abord en évidence d’importantes disparités entre hommes et femmes : les hommes dominent ainsi largement la production scientifique, en particulier dans les pays où la recherche est abondante et de haut niveau (États-Unis, Allemagne, Japon, etc.). Le journaliste Pierre Barthélémy en conclut que « les femmes sont plus susceptibles de jouer un grand rôle dans la science dans les pays qui n’ont pas une place importante dans la recherche mondiale ». De plus, lorsque les femmes signent des articles en premier ou dernier auteur (positions clés des signatures scientifiques), ces articles sont ensuite moins cités que lorsque ce sont des hommes qui signent en premier ou dernier auteur. Les femmes sont également plus représentées dans les domaines liés aux soins et aux relations humaines (éducation, médecine), tandis que les hommes le sont en aéronautique, physique, etc., confirmant un certain nombre de clichés. Les auteurs de l’étude concluent que « chaque pays devrait attentivement identifier les micro-mécanismes qui contribuent à reproduire ce schéma ancien. Aucun pays ne peut se permettre de négliger les contributions intellectuelles de la moitié de sa population ».

Noémie Schaller, Centre d’études et de prospective

Sources : Première étude : Science ; Deuxième étude : Science ; Troisième étude : Nature 

 

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