Les bioraffineries de demain : restitution finale de trois grands projets européens
Les 11 et 12 février se sont tenues les restitutions finales de trois grands chantiers européens, financés dans le cadre de l’appel à projets FP7. Privilégiant une approche collaborative entre les industries et la recherche, leur objectif commun porte sur le modèle de bioraffinerie de demain. Autrement dit, il s’agit de développement de nouvelles technologies pour élaborer des bioproduits bénéficiant tant au secteur de l’énergie, qu’à celui de la chimie ou encore des matériaux. Ces projets se sont intéressés à la fois aux enjeux économiques et aux impacts environnementaux de ce nouveau modèle de production. À noter que la « bioraffinerie » peut être définie par analogie au terme de « raffinerie », en lien avec le fractionnement de la plante, non du pétrole, en molécules d’intérêt valorisées par la production de produits alimentaires et non alimentaires.
SUPRABIO, Sustainable products from economic processing of biomass in highly integrated biorefineries, coordonné par la Brunel University (London), a réuni 17 partenaires de 8 pays. Les travaux portaient sur le développement de technologies de procédés (fractionnement de la lignocellulose, conversion par des bactéries ou des champignons, algues) dans un objectif de développement de bioréacteurs industriels.
EuroBioRef, European multilevel integrated biorefinery design for sustainable biomass processing, coordonné par le CNRS, a réuni 29 partenaires de 15 pays. Ses travaux reposent sur la volonté d’intégrer une flexibilité dans les bioraffineries via le développement de différentes chaînes de valeur mobilisables en fonction de l’intrant choisi ou encore du débouché souhaité. Parmi les objectifs peuvent être cités la valorisation de la plante entière lors de l’étape de fractionnement, ou encore la réflexion sur l’élaboration de procédés efficaces d’un point de vue environnemental (réduction des déchets, économie d’eau, etc.). Les chercheurs se sont aussi penchés sur la manière de diversifier les activités des bioraffineries existantes.
BIOCORE [http://www.biocore-europe.org/ – ce lien n’est plus valide], a biorefinery concept for the transformation of biomass into second generation fuels and polymers, coordonné par l’Inra, a réuni 24 partenaires de 13 pays. Il porte sur la mobilisation de biomasse lignocellulosique pour produire une diversité de produits dits « bio-sourcés ». Pour ce faire, des études de cas ont été menées en Inde (pailles de riz et de blé) et en Europe (paille de céréales, taillis de peuplier à rotation courte, bois de feuillus, etc.), dont un cas en Beauce où les pailles de blé et d’orge constituent la matière première mobilisée avec le miscanthus. Le tableau ci-dessous synthétise les capacités envisagées des bioraffineries pour chaque étude de cas, la biomasse disponible aux horizons 2015 et 2025 ainsi que son pourcentage de mobilisation et les changements d’affectation des sols induits par le projet.
Afin de tester la faisabilité des modèles de bioraffineries imaginés dans le cadre du projet BIOCORE, la première étape vise à quantifier la biomasse disponible dans les zones étudiées. Les auteurs concluent à une diminution du potentiel d’approvisionnement entre 2015 et 2025, pour diverses raisons : agriculture plus respectueuse de l’environnement et aux rendements plus faibles, impacts du changement climatique, compétition entre usages, etc. L’étude souligne en particulier le cas français où la quantité de paille pourrait s’avérer insuffisante pour assurer la pérennité de la bioraffinerie, tout autre source alternative n’étant pas prise en compte (bois de la forêt d’Orléans par exemple).
Un autre point clé est l’aspect logistique, impliquant une réflexion sur le lieu d’implantation des bioraffineries en fonction de la saisonnalité des productions de biomasse, du réseau de transport et des possibilités de stockage. Ainsi des coûts de production ont été calculés : celui des pailles de céréales en Europe se situe en moyenne entre 40 et 52 euros la tonne de matière sèche par exemple.
Un dernier point porte sur les impacts environnementaux de la mobilisation de la biomasse. En Europe, les conclusions sont plutôt défavorables : diminution de la restitution au sol des matières organiques et nutriments, impact sur la rotation des cultures, émissions de gaz à effet de serre, etc. Au vu de ces résultats, l’étude préconise l’établissement d’actions préventives lors de la conception de la bioraffinerie.
Au final, cette étude met en évidence l’importance du territoire d’implantation d’une bioraffinerie (biomasse disponible et sa diversité, coûts de logistique) et de la mise en place de technologies adaptées en vue de créer différents produits.
Élise Delgoulet, Centre d’études et de prospective
Source : Inra