Feux de végétation, prévention des incendies et pratiques agricoles
Mis en ligne en décembre 2024, un numéro d’Études rurales s’intéresse aux feux de végétation et au rôle de l’agriculture et du pastoralisme dans l’entretien des milieux naturels et la prévention des incendies.
Dans leur introduction, G. Guerrini (université de Corse) et J.-C. Paoli (Inrae) rappellent la multiplication, à travers le monde, de « méga-feux » incontrôlables (voir aussi une émission sur France Inter). Face aux effets du changement climatique, « une mutation du dispositif anti-incendie » s’opère, avec différentes mesures pour limiter la présence de matières combustibles au sol. Un entretien avec A. Massaiu (Office national des forêts) retrace l’histoire de la technique du brûlage dirigé. À partir du XIXe siècle, en France, le recours au feu pour ouvrir des terrains pour l’agriculture et la chasse est de plus en plus découragé, voire interdit, à cause des risques de perte de contrôle. Mais dès les années 1950, les services forestiers américains perfectionnent la technique. Elle est reprise ensuite au Portugal, puis dans notre pays dans les années 1990. Aujourd’hui, elle est intégrée à la planification territoriale, dans le cadre d’opérations associant forestiers, pompiers, chambres d’agriculture, etc. (figure).
Réalisation d’un brûlage dirigé (Corse, 2022)
Source : Études rurales
Un autre article, sur la réorientation des montagnes portugaises vers la sylviculture, pendant la dictature de l’Estado Novo, met en évidence les conditions de survenue des grands incendies qui frappent le pays depuis les années 1970, notamment l’exode rural, la déprise agricole et la fermeture des paysages avec l’omniprésence des plantations de pins. Le géographe A. Guérin-Turcq (ENTPE) décrit une évolution comparable dans les Landes de Gascogne. Ici, les débats qui suivent les grands incendies de 2022 pointent différentes responsabilités : plantation sur les zones pare-feu, péri-urbanisation et proximité des habitations, etc. Pour amender le « modèle landais » de sylviculture industrielle, les gestionnaires reprennent désormais des propositions qui émanaient auparavant des seuls milieux écologistes : aménager les lisières, planter des haies, diversifier les essences.
Enfin, M. Chalvet (université d’Aix-Marseille) analyse la construction d’un « récit sur les incendies de forêt » en Provence au XXe siècle, attribuant ceux-ci à des pratiques paysannes mal maîtrisées. Dans le même sens, M. Toussaint (UMR Sens) souligne la dévalorisation des usages traditionnels du feu en Nouvelle-Calédonie. Les termes employés par l’administration – « feux de brousse » et « écobuage » – rendent invisible la diversité des savoir-faire paysans. Ils reconduisent, selon elle, y compris dans les campagnes de communication récentes, la « disqualification coloniale » de la population kanak.
Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective
Source : Études rurales