Géographie de l’élevage bovin lait et adoption des robots de traite
Mis en ligne en novembre 2024 dans Économie rurale, un article de T. Martin (Inrae) s’intéresse à l’adoption des robots de traite par les éleveurs français. Apparues dans les années 1990, ces machines représentent 19 % des installations de traite en 2023. Deux fabricants, le néerlandais Lely et le suédois DeLaval, réalisent 80 % des ventes. Sur la base d’entretiens avec des dirigeants de concessions, des commerciaux et techniciens, l’auteur analyse leurs réseaux de distribution. Il rappelle d’abord le rôle des acteurs de la collecte et de la transformation, mais aussi des quotas laitiers jusqu’en 2015, dans la formation du « croissant laitier », une zone à forte densité d’exploitations laitières qui va du Grand Ouest aux montagnes du Centre-Est, en passant par la région Nord-Est.
L’article rappelle que la percée du robot de traite a lieu entre 1995 et 2005 dans le Grand Ouest. En Vendée, l’agrandissement des exploitations en favorise l’adoption. En Basse-Normandie, les revenus assurés par le prix du lait élevé, en Appellation d’origine protégée, rendent l’investissement envisageable, et un accord commercial entre le fabricant néerlandais Lely et la coopérative Agrial tire les ventes vers le haut. Enfin, dans les Côtes d’Armor, des producteurs de porcs, déjà utilisateurs d’automates (machines à soupes), cherchent à s’affranchir de l’astreinte de traite pour l’atelier lait qu’ils ont conservé. À partir de 2005, la demande gagne le reste du croissant laitier et les deux fabricants étendent leurs réseaux de distribution (figure). DeLaval, qui commercialise des machines à traire depuis le début du XXe siècle, table sur un réseau dense de 69 concessions, mais fait figure de généraliste. Lely, qui arrive sur le marché seulement dans les années 1990, ne dispose que de 15 franchises et se construit une réputation de spécialiste.
Lely et DeLaval : deux logiques géographiques de distribution du robot de traite (2023)
Source : Économie rurale
Dans les deux cas, les vendeurs ajustent la tarification des contrats de maintenance en fonction des territoires. Par exemple, en Haute-Savoie, la facturation est « indexée sur le nombre de branchements » et non sur les litres de lait traits, comme en Ille-et-Vilaine. Les techniciens peuvent intervenir nuit et jour pour relancer les équipements en cas de panne. Cette astreinte détermine en partie le périmètre des bassins de vente. L’article souligne enfin l’influence des priorités régionales sur les stratégies d’implantation des fabricants, dans la mesure où les dossiers d’aides publiques différent d’une région à l’autre, notamment dans le cadre du Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations.
Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective
Source : Économie rurale