Réduction des pesticides : quelles conséquences sur le temps de travail et les résultats économiques ?
Dans le numéro d’octobre 2024 de la revue Agricultural Systems, des chercheurs d’Agroscope (Ettenhausen, Suisse) étudient les effets de la réduction de l’usage des produits phytosanitaires sur le temps de travail des agriculteurs et sur les résultats économiques des ateliers de grandes cultures. La diminution de l’utilisation d’un pesticide implique une adaptation de l’ensemble du calendrier cultural et du temps de travail dédié. Sur le plan économique, la réduction des charges (coût des intrants, frais d’épandage, etc.) doit être comparée aux impacts sur la production.
Les chercheurs se sont penchés sur plusieurs mesures agri-environnementales (MAE) suisses d’abandon des pesticides, en grandes cultures (blé d’hiver, betterave sucrière et pomme de terre).
Quatre dispositifs agronomiques sont ainsi comparés à une situation de référence : suppression des herbicides (hors traitements localisés) ; suppression des fongicides, insecticides et régulateurs de croissance de synthèse ; cumul des deux premiers dispositifs (suppression de tous les pesticides) ; production en agriculture biologique. Pour une exploitation suisse de plaine représentative, les modifications d’opérations culturales induites sont estimées et leurs impacts sur le temps de travail sont modélisés pour les tâches culturales par parcelle (modèle PROOF : traitements, travail du sol, récoltes, etc.) et les tâches de gestion (modèle OFFWO : achats, traçabilité, comptabilité, gestion des aides, etc.).
La suppression des herbicides sur le blé implique une nette augmentation du temps de travail au champ par hectare (figure 1). En revanche la suppression des autres pesticides (même combinée à celle des herbicides) se traduit par une diminution du travail, essentiellement liée à la baisse des rendements et donc du temps consacré à la récolte.
Impacts de la suppression des pesticides sur la demande en travail pour le blé d’hiverSource : Agricultural Systems
Lecture : cette figure résume les effets des MAE d’abandon des herbicides (A), de suppression des pesticides (B), combinées (A+B) et de l’agriculture biologique sur le blé d’hiver, en matière de demande en main-d’œuvre (en heures / ha). Le temps de travail cultural est représenté en vert, le temps lié la gestion en bleu.
Sur le plan économique, la chute du produit brut liée au recul des rendements est compensée par l’abondement des aides directes (figure 2), et la réduction des charges permet une amélioration du résultat net. Ces MAE se révèlent ainsi doublement incitatives en blé.
Impact de la suppression des pesticides sur les résultats économiques pour le blé d’hiverSource : Agricultural Systems (supplementary data)
Lecture : cette figure présente les effets des MAE d’abandon des herbicides (A), de suppression des pesticides (B), combinées (A+B) et de l’agriculture biologique sur le blé d’hiver, en matière de résultats économiques (en francs suisses / ha). Les différentes charges sont représentées en rouge et beige, et les produits en bleu, notamment les paiements directs liés aux MAE en bleu clair.
Sur pomme de terre, supprimer les herbicides est économiquement viable, mais les aides ne permettent pas de compenser les pertes liées à l’abandon de l’ensemble des pesticides. Inversement, sur betterave, une conduite sans pesticide est nettement profitable, dans une approche sans aléas.
Jean-Noël Depeyrot, Centre d’études et de prospective
Source : Agricultural Systems