De nombreux dispositifs de lutte contre la déforestation, mais une efficacité questionnée
Dans un rapport récemment publié par l’Institut français des relations internationales (Ifri), Alain Karsenty (Cirad) dresse un état des lieux des politiques et instruments internationaux de lutte contre la déforestation dans les régions tropicales, avant de proposer des pistes d’amélioration. L’estimation des impacts, sur les forêts tropicales, de la production de matières premières destinées au marché mondial fait consensus (figure ci-dessous). Il n’en va pas de même pour d’autres facteurs dont le lien avec la déforestation est plus ambivalent. C’est le cas de la pauvreté et de l’insécurité foncière, qui sont au cœur de controverses.
26 % de la surface déforestée entre 2001 et 2015 sont imputables à sept matières premières agricoles (en million d’hectares)
Source : Ifri
Les acteurs privés sont eux-aussi largement concernés. Si, au XXe siècle, les entreprises d’exploitation forestière ont été motrices, des entreprises agroalimentaires (voire certains conglomérats regroupant activités agricoles, forestières et minières) sont désormais impliquées directement ou indirectement dans la déforestation en zone tropicale. Elles font de plus en plus souvent appel à des sous-traitants ou contractualisent avec des producteurs agricoles locaux, ce qui conduit à une dilution de la responsabilité.
Par ailleurs, la Chine tient un rôle croissant dans les évolutions du couvert forestier tropical. Tout en protégeant ses forêts naturelles et en plantant massivement, elle a multiplié par cinq ses importations de bois en 20 ans (figure ci-dessous). Elle a aussi fortement accru son approvisionnement en matières premières agricoles, externalisant ainsi la déforestation. De plus, elle utilise son influence au sein d’organisations internationales, dont la FAO, pour ralentir la mise en œuvre de certains accords visant à lutter contre la déforestation.
Principaux flux d’exportation de sciages tropicaux en 2020
Source : Ifri
Le rapport détaille aussi l’empilement des réglementations et initiatives privées mises en œuvre depuis le milieu du XXe siècle : certification de gestion forestière durable, protocole de Kyoto puis dispositifs REDD et REDD+ (Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation forestière), lutte contre le commerce illégal (initiative Forest Law Enforcement, Governance and Trade, FLEGT) et plus récemment contre la déforestation importée, accords bilatéraux de paiement aux résultats, etc.
En conclusion, l’auteur recommande de combiner différents instruments internationaux, accords bilatéraux et politiques nationales (agriculture, alimentation, éducation, foncier, fiscalité, etc.) pour améliorer leur efficacité.
Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective
Source : Ifri