La France des valeurs. Quarante ans d’évolutions, Pierre Bréchon, Frédéric Gonthier, Sandrine Astor (dir.)

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Les « valeurs » sont ces idéaux profonds dont les individus s’inspirent, au quotidien, pour agir et justifier leurs actions. Elles renseignent sur l’univers mental de tel ou tel groupe, à un moment donné, mais permettent aussi d’anticiper les opinions et comportements qu’ils adopteront dans le futur. C’est dire leur importance pour tous ceux qui s’intéressent à la prospective ou à la gestion des affaires publiques. L’European Values Study (EVS) est la meilleure enquête internationale disponible sur le sujet. Réalisée pour la première fois en 1981, puis reconduite en 1990, 1999, 2008, la cinquième vague a eu lieu en 2018 et 38 pays sont dorénavant couverts. Le présent ouvrage se concentre sur les résultats concernant la France.

Les valeurs liées aux appartenances géographiques, et à la ruralité en particulier, sont globalement stables. En 1981 comme en 2008, les unités territoriales auxquelles les Français avaient le sentiment d’appartenir « avant tout » étaient le « national », puis le « local », le « régional », le « monde » et « l’Europe » se situant en queue de peloton. En 2018, le national reste premier (92 % des interviewés), devant la région (80 %) et la ville ou le village (77 %). Le sentiment de multi-appartenance semble s’affirmer, l’expression d’un attachement pour le « village » étant de moins en moins exclusive de l’identification à d’autres échelons. Notons par ailleurs le maintien de clivages importants selon le niveau de diplôme : plus celui-ci baisse et plus l’attachement au « village » croît.

Le rapport à l’environnement est aussi au cœur de nombreuses valeurs intéressantes à analyser. Entre 1990 et 2018, les « pro-croissance économique » sont restés stables, à 54 %, mais les « pro-environnement » sont passés de 20 % à 25 %. La défense de l’environnement atteint son maximum chez les plus diplômés et ceux ayant les revenus les plus élevés. Cette défense est la plus faible pour les générations 1930-39, la plus élevée pour les générations 1970-79, puis elle baisse pour les générations ultérieures, de plus en plus sensibles à la croissance. La priorité accordée à l’environnement est portée par les répondants se situant « à gauche » (60 %) et « très à gauche » (65 %), plutôt que par ceux « à droite » (46 %) et « très à droite » (39 %).

Outre les deux points sur lesquels nous venons d’insister, de nombreuses évolutions des systèmes de valeurs sont étudiées dans ce livre, concernant la famille, la politique, l’économie, la culture, le travail, etc. Apparemment éloignées des champs de compétence du ministère chargé de l’agriculture, ces mutations de valeurs constituent de bonnes grilles de lecture pour comprendre certains enjeux au cœur de ses politiques : nouveaux comportements alimentaires, critique croissante du monde agricole, affirmation de la « question animale », etc.

Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective

Lien : Presses universitaires de Grenoble

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