Carbone organique dans les sols : une évaluation du potentiel d’atténuation à l’échelle européenne

Un travail collaboratif entre des chercheurs de plusieurs universités a tenté d’estimer le potentiel de séquestration de carbone dans les sols agricoles européens (cultures seulement). D’après leur article, publié dans le journal Global Environmental Change, entre 9 et 38 MtCO2 seraient stockés chaque année, jusqu’en 2050, avec un prix du carbone compris entre 10 et 100 $US par tCO2 (voir la courbe de coûts d’atténuation ci-dessous). Cela représenterait un potentiel maximum de 7 % des émissions agricoles de l’Union européenne. Quant aux émissions liées aux sols agricoles, elles diminueraient de 40 % par rapport à 2010. Dans leur conclusion, les auteurs soulèvent un dernier point : les fuites de carbone hors UE seraient de 20 MtCO2, voire limitées à 9 % du potentiel de 38 Mt, à condition de chercher à les prévenir. Au final, ils concluent sur une contribution peu significative des mesures d’atténuation étudiées.

Courbe de coûts d’atténuation pour le carbone organique des sols en vert (en bleu et en violet : co-bénéfices pour les secteurs des cultures et de l’élevage ; en rouge : les fuites carbone)

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Source : Global Environmental Change

Ce travail repose sur la mobilisation de deux modèles : EPIC, qui simule les systèmes agricoles afin d’en comprendre les impacts sur l’environnement (ici émissions et séquestration du carbone dans les sols), et GLOBIOM-UE, un modèle économique d’équilibre partiel avec une représentation détaillée des 28 États membres, qui permet de regarder les effets sur les usages des terres, le commerce ou les émissions à une échelle globale. D’après les auteurs, le lien entre ces deux modèles fait l’originalité de cette publication, tant dans la méthodologie mobilisée que dans l’intégration des dimensions économiques et d’usage des sols, en particulier pour évaluer les fuites de carbone.

Pour arriver au résultat présenté plus haut, les auteurs ont construit plusieurs scénarios, en plus d’une référence (sans prix de la tCO2). D’une part, ils ont fait varier le niveau du prix de la tonne entre 10 et 100 $US. D’autre part, afin de simuler les effets d’une politique « anti-fuite carbone », les échanges de commodités européennes ont été fixés au niveau de la référence, en ajoutant dans certains cas la demande européenne en produits agricoles. Ils ont pris comme levier le labour, selon trois modalités : conventionnel, réduit ou minimal. Les auteurs soulignent à ce titre le débat qui a lieu autour de cette pratique et ses effets sur la séquestration. D’autres limites, citées par eux, résident dans le traitement du seul gaz à effet de serre CO2, ou dans la représentation des dynamiques du carbone organique des sols non étendues aux forêts et aux prairies, par exemple.

Élise Delgoulet, Centre d’études et de prospective

Source : Global Environmental Change

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