Quelle résilience du système alimentaire mondial ?
En avril dernier, la revue PNAS publiait un article intitulé Resilience and reactivity of global food security. Dans un contexte de changements globaux (croissance démographique, pression sur des ressources limitées, etc.), les auteurs ont questionné l’évolution de la sécurité alimentaire au cours des 25 dernières années (1986-2010). Mobilisant des données démographiques, de production alimentaire et des échanges pays par pays, ils ont étudié la relation entre la dynamique des populations et les calories disponibles. L’objectif était d’évaluer la sensibilité du système alimentaire mondial à court terme (réactivité) et sa réponse à long terme (résilience) vis-à-vis de chocs liés à la volatilité sur les marchés, à des changements de politiques commerciales ou environnementaux.
Les auteurs soulignent plusieurs limites de leur approche, dont l’absence de stocks de matières premières dans le modèle décrivant de fait un scénario qu’ils qualifient de « solidaire », la non prise en compte de la pêche et de l’aquaculture ou encore des aspects nutritionnels.
Quatre grands groupes de pays sont identifiés en fonction de leur capacité à apporter les calories nécessaires à leur population (carrying capacities) via la production locale, mais aussi par le commerce international. Les auteurs font l’hypothèse que la taille de la population nationale est limitée par la nourriture disponible (ratio de la production en calories sur le régime alimentaire en calories par habitant et par an). Les quatre groupes sont : les pays exportateurs nets (dont les échanges diminuent la nourriture disponible pour leur population), les pays importateurs (partageant le même « pool » de ressources que les pays précédemment cités), les pays pour lesquels les échanges n’ont que peu d’influence sur la nourriture disponible ou l’évolution démographique nationales, et enfin les pays en déficit (avec une nuance apportée par les auteurs sur l’agriculture de subsistance, non prise en compte ici).
D’après ces travaux, dans les deux dernières décennies, alors que la dépendance aux échanges a augmenté, le système alimentaire mondial a perdu en résilience. Il est également devenu de plus en plus instable et réactif aux chocs. Les auteurs ont aussi établi une carte des pays les plus vulnérables (réactivité seulement), comme indiqué sur ci-dessous.
Carte des pays réactifs en 1987 et 2008
Source : PNAS
Élise Delgoulet, Centre d’études et de prospective
Source : PNAS