Agriculture indienne et prix minimum de soutien

Une émission d’avril 2024 de Cultures Monde s’intéresse au modèle agricole indien. Elle s’inscrit dans le double contexte des élections législatives à venir, où Narendra Modi brigue un troisième mandat de Premier ministre, et de la mobilisation des agriculteurs depuis le mois de février dernier, contribuant à remettre la question agraire au centre des débats.

Cette mobilisation rappelle les mouvements qui avaient eu lieu en 2020 et 2021. Fortement réprimées, avec environ 700 morts, ces manifestations avaient eu pour conséquence l’abandon de trois réformes de libéralisation de l’agriculture indienne, dont une relative à la suppression du prix minimum de soutien. Ce dernier prévoit que l’État achète sur des marchés spécifiques (mandis), à des prix garantis, certaines productions agricoles, en particulier le blé et le riz, afin de les distribuer ou les commercialiser à faible prix. Pour Julie Jacquet (INALCO), il s’agit d’un « système redistributif », qui a d’ailleurs permis d’abonder le programme de don de céréales, lancé en 2021 auprès de 800 millions de personnes.

Aujourd’hui, les manifestants souhaitent que le prix minimum de soutien soit inscrit dans la Constitution, comme Narendra Modi s’y était engagé en 2021. L’agriculture reste cependant une prérogative des États fédérés, en dépit de la volonté centralisatrice du Premier ministre. Ainsi, dans la continuité de la libéralisation de l’économie indienne amorcée dans les années 1990, certains États avaient remis en cause ce prix garanti en 2006, tel le Bihar, situé dans le nord-est de l’Inde. Pour David Singh (université de Copenhague), cette décision s’est traduite par des rapports de force déséquilibrés entre groupes agro-industriels et paysans, dont 86 %, à l’échelle nationale, détiennent moins de 2 hectares. Selon lui, il en a résulté une paupérisation de ces agriculteurs, qui alimente des migrations vers d’autres États fédérés, comme le Pendjab, où ils deviennent travailleurs agricoles auprès d’agriculteurs ayant pu mécaniser leur production et agrandir leur exploitation. La question du prix minimum de soutien reste donc une revendication centrale dans l’actuelle mobilisation des agriculteurs indiens.

Johann Grémont, Centre d’études et de prospective

Source : France Culture

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