Forêts, communs et re-naturation

La revue Mouvements consacre son dernier numéro aux « futurs de la forêt », en donnant la parole à des acteurs situés à l’intersection des milieux professionnels, associatifs et militants.

L’introduction expose une contradiction importante : les enjeux de transition écologique font des arbres, puits de carbone, une clé de la lutte contre le changement climatique, mais ils poussent aussi à intensifier la production de bois, en généralisant les monocultures à croissance rapide (« plantations »). Un entretien avec G. du Bus (Réseau des alternatives forestières) fait un parallèle entre cette évolution et celle de l’agriculture, et pointe plusieurs convergences : épuisement des sols, pertes de biodiversité, rapports de force favorables aux scieries industrielles et aux grandes surfaces de bricolage et d’ameublement, pression sur la rémunération des exploitants, etc. Par ailleurs, H. Mowat (ONG Fern) souligne la « symbiose entre État et industrie » en Finlande, Suède et Estonie.

En France, le morcellement de la propriété privée fait obstacle au développement des plantations, qui ne représentent que 13 % des surfaces. En 2022, les incendies de la forêt de La Teste-de-Buch ont mis en évidence, selon certains, les limites de la « gestion coutumière » sous forme de « commun forestier ». En contrepoint, le monde associatif est porteur d’une aspiration à « travailler et conserver autrement ». Pour H. Davi (chercheur Inrae et député LFI-Nupes), il conviendrait de « favoriser le regroupement » pour renforcer les obligations de gestion durable, dans le cadre des « plans simples de gestion » (PSG). Plusieurs autres articles évoquent des alternatives à la foresterie industrielle, par exemple les scieries mobiles, collectives ou coopératives dans le Massif central.

Le dossier examine également plusieurs expériences de ré-ensauvagement ou de re-naturation. À propos du projet de Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel, l’historien G. Blanc souligne la persistance de l’imaginaire colonial de l’Eden africain, au sein des politiques de conservation, et la complémentarité avec le modèle de la plantation (voir un précédent billet). Un article sur une initiative citoyenne d’acquisition foncière en Haute-Savoie pointe les crispations entre des militants citadins, qui plaquent sur le territoire des conceptions « hors sol », et les usagers de la forêt. Enfin, le géographe D. Béhar évoque le projet de forêt primaire porté en Europe de l’ouest (Ardennes-Wallonie ou Vosges-Rhénanie) par l’association Francis Hallé, « utopie mobilisatrice » contestée pour le risque de « mise sous cloche » de l’environnement et des activités humaines.

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Source : Mouvements

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