Le travail dans les systèmes agricoles et alimentaires

Plusieurs publications et événements récents s’intéressent au travail et aux relations de travail dans les systèmes alimentaires. En février 2023, la chaire Unesco Alimentations du monde a organisé un colloque, auquel la revue Sésame (Inrae) a ensuite consacré un dossier. Selon D. Conaré (agronome, chaire Unesco), la digitalisation et la multiplication des statuts d’emploi transforment en profondeur le rapport au travail et son sens, mais les systèmes d’approvisionnement alimentaire restent marqués par « un travail précarisé, pénible, exposé au risque, et/ou mal rémunéré ». Les prix ne reflètent pas les coûts sociaux et environnementaux des productions.

Différents témoignages abordent les conditions de travail et le « bien-être ». P. Ricau (économiste, association Nitidae) rappelle que la filière du cacao en Côte d’Ivoire, dans les années 2000, a largement eu recours à une main-d’œuvre infantile venant du nord du pays ou des États voisins. La faiblesse de l’état civil et la prévalence du paludisme poussaient les parents invalides à déscolariser leurs enfants, pour qu’ils gagnent de l’argent. Aujourd’hui, en parallèle d’un contrôle policier et juridique limitant ces pratiques, le développement de cultures bien valorisées et vertueuses sur le plan environnemental (noix de cajou, sésame) permet de réunir et fixer ces familles. Une autre présentation porte sur la fédération de coopératives de livraison à vélo CoopCycle. Le gérant de cette plateforme alternative explique les effets délétères de l’uberisation, mais relève aussi l’aspiration d’une fraction croissante de travailleurs à se positionner en dehors du salariat et des relations de subordination. De son côté, la cheffe M. Fleury présente l’initiative Bondir.e contre « les violences en cuisine » (abus de langage, gestes malveillants, attitudes toxiques, etc.).

Par ailleurs, fin 2022, un webinaire de l’Association internationale sur le travail en agriculture (IAWA) identifiait trois fronts de recherche à partir d’analyses bibliométriques : gouvernance des chaînes globales de valeur par les standards (contractualisation et certification), impacts de l’emploi dans les filières agro-alimentaire sur l’économie rurale (pauvreté, sécurité alimentaire), et place des femmes dans la division du travail. La qualité des emplois dans les circuits courts alimentaires en Amérique du Nord y est également abordée, comme la normalisation du « travail décent ».

Enfin, signalons un numéro de la Revue d’anthropologie des connaissances consacré au « travail de la nature ». Outre la prise en compte de la collaboration avec des animaux (chevaux, abeilles), des articles sur le maraîchage et la permaculture (en France) et la saignée de l’hévéa (Brésil) proposent d’étendre la catégorie de travail à l’activité des plantes.

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Sources : chaire Unesco Alimentations du monde, International association on work in agriculture, Revue d’anthropologie des connaissances

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