Banques alimentaires aux États-Unis : le cas de la Virginie occidentale

Le dernier numéro de la revue Politique américaine réunit des articles traitant de diverses questions liées à l’alimentation. Dans sa contribution, le géographe J. Lohnes (West Virginia University) s’appuie sur neuf ans d’implication dans les réseaux caritatifs pour analyser l’évolution du positionnement des banques alimentaires dans le système américain d’aide.

En Virginie occidentale, frappée de longue date par des difficultés économiques, deux banques affiliées au réseau Feeding America fournissent 550 organisations locales, à partir de programmes publics et de dons de produits. Un contrat avec le ministère de l’agriculture de cet État les charge de distribuer les produits de base fournis par le TEFAP, le programme fédéral alimentaire d’urgence. Celui-ci a aussi un rôle de stabilisation économique (en écoulant les surplus en cas de surproduction agricole) ou de blocage des exportations (pour des raisons diplomatiques). À partir de 2008, les dons des industriels se réduisant (figure ci-dessous), les banques alimentaires cherchent de nouvelles sources d’approvisionnement. Elles doivent se plier aux partenariats conclus au niveau fédéral par Feeding America, et « suivre le gaspillage là où il est produit », jusqu’aux points de vente au détail. Elles ajustent alors leur logistique, non sans difficultés, pour récupérer la nourriture auprès de magasins disséminés sur le territoire, comme ceux du distributeur Walmart.

Évolution des quantités de dons collectés par le réseau Feeding America auprès des industriels et des distributeurs, en Virginie occidentale, entre 2002 et 2016
Source : Politique américaine

Procédant de logiques économiques et bureaucratiques peu compréhensibles à l’échelon local, le TEFAP comme les partenariats nationaux sont critiqués. Il est de plus en plus reproché aux interventions publiques de ne pas s’attaquer aux causes profondes de l’insécurité alimentaire. À travers le pays, les banques locales se réorientent ainsi aujourd’hui vers une conception moins gestionnaire de leur rôle. Elles consacrent des moyens à des mesures de « justice alimentaire », comme une campagne en faveur d’une augmentation du salaire minimum dans la ville de Tucson (Arizona). Récemment, elles ont fait pression avec succès sur l’USDA (ministère de l’agriculture) pour réorienter le TEFAP vers un approvisionnement sur les marchés locaux. Les deux banques alimentaires de Virginie occidentale « sont encore à la marge de ce mouvement », du fait de leurs ressources limitées, mais elles se sont rapprochées d’autres organisations associant inégalités raciales et accès à la nourriture (coalition VW Food for All).

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Source : Politique américaine

image_pdfimage_print