Le salariat précaire dans l’agriculture française

A. Magnan (Ires) a consacré sa thèse d’économie à la place du salariat précaire dans l’agriculture française. Il centre son propos sur les contrats à durée déterminée. Diverses enquêtes ont montré que les travailleurs saisonniers en viticulture, arboriculture et maraîchage, sont soumis à des conditions de travail difficiles (horaires, intensité, exposition aux risques), pour des rémunérations faibles (voir à ce sujet un précédent billet). Plus généralement, les syndicats d’employeurs considèrent que les contrats salariés temporaires sont adaptés aux spécificités du métier, et nécessaires face à la concurrence internationale. Ils s’alarment régulièrement de difficultés de recrutement, comme au début de la crise du Covid.

En contrepoint de ces discours parfois contradictoires, l’auteur complète les données existantes en exploitant de nouvelles sources. Les bases de la Mutualité sociale agricole permettent ainsi de quantifier les effectifs par type de contrat et d’employeur, sur la période 2003-2016 (figure ci-dessous). En 2016, les salariés agricoles précaires représentaient 57 % des travailleurs du secteur, réalisant 22 % des heures de travail. L’augmentation du recours à des salariés précaires via la prestation de services, mise en évidence par d’autres travaux, se confirme, avec toutefois des évolutions nuancées : « stagnation dans l’intérim, croissance pour les prestataires de services étrangers, croissance aussi mais plus lente, pour les groupements d’entreprises et les entreprises de travaux agricoles, avec une stagnation en fin de période pour ces dernières ».

Comparatif du nombre de travailleurs (à gauche) et des heures de travail (à droite), en 2016, selon les types de profils de travailleur quantifiables
Source : HAL, thèse A. Magnan
Lecture : en noir (contrats de type 6 et 7), contrats à durée déterminée, contrats saisonniers et contrats vendanges (exercés ou non sous détention de la nationalité française).

L’auteur s’interroge ensuite sur les politiques publiques qui ont favorisé le recours à ces contrats, comme « variable d’ajustement » dans les exploitations. Il analyse différents dispositifs, notamment les exonérations de cotisations sociales patronales (Travailleurs occasionnels / Demandeurs d’emploi, TO/DE), qu’il considère être une « trappe à pauvreté ». Enfin, il examine différentes arènes institutionnelles où les intérêts de ces salariés précaires paraissent « marginalisés », malgré leur poids croissant dans l’économie. La faible représentativité des institutions serait porteuse, selon lui, d’une crise sociale à venir.

Signalons, de façon complémentaire, la parution du livre La précarité durable, du sociologue N. Roux. Une comparaison entre saisonniers agricoles et intermittents du spectacle montre ce qui rend le travail précaire « soutenable », notamment le report des aspirations sur la sphère domestique.

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Source : HAL

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