Analyser les impacts des sécheresses pour mieux anticiper les conséquences du changement climatique

Le dernier numéro (septembre) de la revue britannique Philosophical Transactions B rassemble les travaux de plusieurs équipes européennes traitant des effets de la sécheresse de 2018 sur l’agriculture et la forêt en Europe. La majorité des chercheurs appartient au réseau européen Icos (Integrated Carbon Observation System) : opérationnel depuis 2018, il regroupe des stations de mesure des gaz à effet de serre émis par les écosystèmes. S’appuyant également sur des observations (rendement, dendrologie) et des données issues de la télédétection, ce numéro offre un panorama des conséquences de la sécheresse sur les écosystèmes tempérés, dans une perspective pluridisciplinaire (écologie, météorologie, biologie, géographie, agronomie, etc.) et avec des approches historiques et spatialisées.

Comme le montre l’analyse des données météorologiques, la sécheresse de 2018 est exceptionnelle par la superficie concernée (de 24 à 38 millions d’hectares contre 20 à 28 Mha en 2003). Elle résulte de la conjonction de deux phénomènes inhabituels : un printemps chaud, après un hiver plutôt humide, et un été très sec avec des vagues caniculaires générant un stress accru de la végétation.

Comparaison de trois épisodes de sécheresse sévère (2003, 2010, 2018) sur plusieurs critères : température (1ère série), pluviométrie (2e série), rayonnement (3e série), humidité du sol (4e série)

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Source : Philosophical Transactions B

Lecture : les cartes présentent les anomalies standard par rapport à la période de référence (1979-2018) ; les déviations les plus importantes sont représentées par des pointillés.

Une des équipes s’est concentrée sur l’impact de la sécheresse sur les rendements des principales grandes cultures. S’appuyant sur des modèles d’apprentissage automatique, elle a analysé ceux-ci sur plus d’un siècle et montré des résultats contrastés, en 2018, selon les régions et les cultures. En effet, le surcroît de pluie durant l’hiver a permis d’atteindre des rendements supérieurs à la moyenne pour les céréales d’hiver dans les régions du sud de l’Europe, alors qu’à l’inverse, ce sont ces cultures qui ont été les plus affectées dans les régions du nord et de l’ouest. De façon plus générale, les travaux démontrent que jusqu’à 65 % des variations peuvent être expliqués par les variables climatiques. Ce pouvoir explicatif est renforcé en combinant les différentes variables, aucune n’étant à elle seule en mesure d’expliquer les anomalies. Enfin, l’équipe n’a pu dégager aucune tendance de long terme à la baisse des rendements à l’échelle européenne.

Anomalies de rendement observées en Europe en 2018 pour neuf grandes cultures, calculées en termes de déviation par rapport à la série chronologique étudiée (en vert, les gains de rendement ; en rouge, les pertes)

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Source : Philosophical Transactions B

Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective

Source : Philosophical Transactions B

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