Rémunérer les services écosystémiques pour préserver les paysages agroforestiers en Europe atlantique et continentale

Telle est la principale conclusion d’une étude de cas menée sur onze paysages européens, répartis dans plusieurs zones climatiques, et comparant les résultats économiques des systèmes d’agriculture dits « classiques » et agroforestiers.

S’appuyant sur l’analyse de 88 sites tests, dont la moitié en agroforesterie, les auteurs ont cherché à identifier les seuils de rentabilité économique à partir desquels le système agroforestier devient plus intéressant que l’agriculture seule, telle que pratiquée dans la même région. Pour ce faire, ils ont mobilisé plusieurs approches : cartographie des zones tests (arbres et habitats présents, productions agricoles, etc.), détermination par modélisation des différentes productions biologiques et de leurs impacts sur les écosystèmes (consommation d’eau souterraine, pertes de nutriments, érosion, séquestration de carbone, pollinisation), valorisation économique des services écosystémiques par l’utilisation de données du RICA ou de la littérature scientifique.

À l’exception de la zone méditerranéenne, les systèmes agroforestiers sont économiquement moins intéressants qu’une agriculture « classique », dans le contexte des politiques agricoles actuelles. Selon les auteurs, le déficit de rentabilité, calculé sur la base de la production commercialisable, explique en grande partie le déclin des bocages et autres paysages mêlant agriculture et arbres, observé dans les régions atlantiques ou continentales de l’Europe. En rémunérant les services non marchands rendus ou en appliquant le principe pollueur-payeur pour les nuisances générées, les résultats sont modifiés en faveur de l’agroforesterie. Les auteurs ont ainsi calculé le prix, pour chaque service non marchand, permettant d’équilibrer les situations entre les deux modèles. Ainsi, en zone atlantique ou continentale, l’équilibre pourrait être atteint assez vite avec des tarifs relativement faibles, par exemple une taxe de 2,5 € par kg d’azote perdu, une taxe de 17 € par tonne de sol érodé ou une subvention de 30 € par tonne de carbone séquestrée.

À l’inverse, l’étude souligne la pertinence économique de l’agroforesterie en milieu méditerranéen, avec une rentabilité en général plus élevée que celle de l’agriculture seule : les associations arbres-cultures ou arbres-élevages valorisent en effet des systèmes d’élevage extensif, d’une part, et des productions arboricoles à forte valeur ajoutée d’autre part (olives, fruits, liège, etc.).

Performance économique de l’agroforesterie (AF, en rouge) et de l’agriculture « classique » (NAF, en noir) selon différents niveaux de rémunération ou de taxation de certains services écosystémiques

Agroforesterie.jpg

Source : Ecosystem Services

Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective

Source : Ecosystem Services

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