« Le grand méchant loup »

Diffusée le 22 décembre 2018 sur France Culture, l’émission Concordance des temps conviait Michel Pastoureau à un échange sur son récent ouvrage, Le loup. Une histoire culturelle. Réécoutable en ligne, elle aborde l’évolution du regard porté sur cet animal à travers les époques. Absent de l’art pariétal, il émerge dans les mythologies antiques, plus craint pour les troupeaux que pour les hommes. Peu à peu, il revêt une image négative et la peur croît, au haut Moyen-Âge, avec la déprise des campagnes et l’accroissement des forêts. Elle s’estompe après l’an 1 000, dans une période d’expansion économique et démographique (cf. les traits peu flatteurs d’Ysengrin dans Le roman de Renart), pour réapparaître à la fin du Moyen-Âge avec les famines et épidémies, la guerre (physique et symbolique) que l’Église fait à l’animal, le début de la « lutte » contre les sorciers et les loup-garous. Le loup devient l’un des animaux vedettes des contes et fables (ex. : Petit chaperon rouge) et sera au cœur de l’épisode de la Bête du Gévaudan (1764-1767). Fin XVIIIe-début XIXe, le système de valeurs commence à s’inverser : la sensibilité romantique lui attribue le caractère de « bon animal sauvage », il disparaît de certains pays européens. Par la suite, en quelques décennies, l’animal devient sympathique (premier témoignage dans Le livre de la jungle, littérature jeunesse, BD, dessins animés), et intègre à partir des années 1960 le bestiaire des jouets en peluche. Enfin, alors que le loup a encore aujourd’hui un statut ambivalent, M. Pastoureau invite à « ne pas projeter dans le passé nos savoirs, nos connaissances, nos sensibilités et nos morales d’aujourd’hui », au risque de tomber dans le « piège de l’anachronisme ».

Source : France Culture

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