Publication d’une expertise scientifique collective sur la conscience animale
À la demande de l’EFSA, l’Inra a conduit, à partir de 2015, une expertise scientifique collective sur la conscience animale, en s’appuyant sur un groupe de 17 experts internationaux : les résultats ont été publiés en mai dernier. À partir d‘une revue critique de la littérature internationale (659 références), a été dressé un état des lieux des connaissances actuelles sur les différentes dimensions de la conscience animale, en particulier pour les espèces d‘élevage. Pour l’espèce humaine, la conscience peut être définie comme l’expérience subjective qu’un individu a de son environnement, de son corps ou de ses connaissances. Pour les auteurs, la conscience animale peut être décrite comme résultant de l’interaction des différentes couches fonctionnelles de compétences pour percevoir, mobiliser de l’attention, mémoriser, éprouver des émotions et évaluer une situation. Notons ici que la conscience animale fait, depuis longtemps, l’objet de débats dans la société civile et la communauté scientifique (cf. déclaration de Cambridge, 2012).
Les experts se sont penchés sur différentes études de philosophes et d’éthologues, notamment celles de Griffin sur la complexité des comportements animaux (dont, pour certains, l’usage d’outils) et de Morgan qui avait postulé l’aspect matériel de la conscience dans la fonction neurale. Plus globalement, ont été analysées les données sur l’umwelt des animaux, c’est-à-dire leur perception du monde. Par ailleurs, les auteurs ont examiné les leçons pouvant être tirées des études des comportements animaux, dans le cadre de leurs interactions avec d’autres animaux et avec l’humain. Ont par exemple été mobilisés des travaux constatant l’existence de relations animales « collaboratives » (veille alternée vis-à-vis des prédateurs et recherche collective de nourriture), ou démontrant, chez des animaux très différents (singes, chiens et moutons), l’aptitude à mobiliser des capacités cognitives et émotionnelles pour se construire une représentation de leur partenaire humain. Ainsi, une étude a montré qu’un agneau reconnaissait son éleveur dès l’âge de deux jours. Si la mémoire est sujet de débat, certains chercheurs estimant que les animaux vivent dans le présent, d’autres ont établi, chez le porc notamment, la capacité à se souvenir d’expériences passées.
Il ressort de cette expertise collective que la conscience prend des tournures très différentes selon les espèces animales et leurs environnements de vie. Les animaux possèdent un large éventail de capacités cognitives associées à des comportements plus ou moins complexes et certains auraient la capacité d’intégrer des informations, de les synthétiser et d’avoir une réponse adaptée à chaque situation nouvelle.
Madeleine Lesage, Centre d’études et de prospective
Source : Inra