Des insectes au menu ? Vincent Albouy, Jean-Michel Chardigny

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Les sujets à la mode, qui plus est lorsqu’ils engagent l’avenir, engendrent beaucoup de discours superficiels qui ne réduisent ni le nombre des malentendus ni celui des malentendants. L’entomophagie en est un bel exemple. Certains prophétisent, avec conviction mais sans preuve, un futur radieux pour ces pratiques alimentaires venues d’ailleurs. D’autres, prisonniers des traditions sociales et de leur dégoût personnel, refusent d’imaginer des grillons dans leur assiette. Entre ces préjugés contraires, qui intimident l’intelligence, il y a heureusement une place pour des analyses équilibrées. C’est ce qui fait l’intérêt de ce livre, associant un entomologiste et un nutritionniste. Tout en restant facile d’accès, il dresse un bon tableau des défis, problèmes et solutions liés à la consommation d’insectes.

Si cette consommation est bien ancrée en Amérique latine, Afrique, Asie et Océanie, elle y est partout en perte vitesse, du fait de l’urbanisation et des aspirations à la modernité. En Europe, au contraire, cette habitude attestée pendant l’Antiquité s’est perdue depuis longtemps, et elle ne réémerge qu’aujourd’hui, à la faveur de plusieurs tendances : diététisation de l’alimentation, souci du développement durable, recherche d’exotisme culinaire, etc.

Chez nous, les préventions culturelles et les répulsions inconscientes seront les barrières les plus difficiles à franchir par l’entomophagie. Il apparaît aussi que le passage à des élevages industriels, rentables économiquement, nécessitera de bien maîtriser divers paramètres : choix d’espèces à croissance rapide, à taux élevé de fécondité, mangeant une nourriture bon marché, ayant un taux de conversion élevé, ne réclamant pas trop de manipulations humaines, peu sujets aux maladies, faciles à tuer et à transformer, à stériliser et à conserver, et adaptés aux souhaits des consommateurs. D’autres pages intéressantes traitent des réglementations actuelles et de leurs nécessaires évolutions. Quant au dernier chapitre, résolument prospectif, il imagine comment nous pourrions manger les insectes en 2050 : plats préparés, restauration hors foyer, cuisine à domicile, recettes à succès, etc. Selon une hypothèse basse, l’avenir de la filière sera confiné à l’alimentation animale et on servira des insectes surtout comme amuse-gueules à l’apéritif. Selon une hypothèse haute, en revanche, c’est toute la consommation humaine qui sera impactée, au point d’avoir une évolution structurelle du régime alimentaire.

Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective

Lien : Quae

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