Statistique agricole, facteur humain et enjeux politiques : une perspective chinoise

La révolution technologique autour de la collecte et la gestion des données statistiques et non-statistiques a tendance à faire oublier l’importance du facteur humain dans la conception d’un bon système de statistique agricole. Publié dans la collection des Working Paper de l’IDDRI, l’analyse menée par Marie-Hélène Schwoob (voir sur cette auteure un autre billet sur ce blog) sur le système statistique agricole chinois est riche d’enseignement.

Suite à la crise des prix agricoles de 2008, la question de la transparence des marchés est revenue au centre des préoccupations internationales. Le Système d’Information sur les Marchés Agricoles (AMIS), créé en 2011 lors du G20, pallie ce problème dans la mesure des données disponibles. L’auteure montre qu’en Chine, les freins à la transparence statistique sont d’ordres humain et politique, et que les difficultés administratives, le consensus politique, les acteurs parapublics, les acteurs privés des marchés sont autant de paramètres qui influent sur la collecte, l’analyse et la transmission des données agricoles, en particulier de récolte, de prix et de stock. Par exemple, les cadres locaux, responsables entre autres de la collecte des données, sont évalués en fonction de leur capacité à atteindre des objectifs de production agricole régionale. Les données sur les stocks de grains, collectées par Sinograin, conditionnent également l’accès de cette agence à des subventions. Dans ces deux cas, il apparaît que les incitations financières liées aux gérants de bases de données ne favorisent pas la transparence et l’objectivité du système.

L’auteure identifie ensuite plusieurs pistes de changement. La participation accrue de la Chine aux instances de gouvernance internationale – OMC, PAM, FAO – devrait l’inciter à restructurer son système statistique vers plus de transparence. L’émergence du Big Data agricole sur les plus grosses exploitations chinoises (ex : capteurs pouvant informer sur les volumes collectés, sur l’état de la récolte) pourrait également susciter de nouveaux acteurs du recueil de données à grande échelle, perturbant encore plus les jeux d’acteurs actuels et les instances de gouvernance.

Gaétane Potard-Hay, Centre d’études et de prospective

Source : IDDRI

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