Évaluation de la réforme de l’OCM vitivinicole

Une récente étude financée par la Commission européenne évalue la réforme de l’OCM vitivinicole de 2008. Le caractère récent de cette réforme n’a permis aux évaluateurs de disposer des données que sur les deux campagnes suivant sa mise en place. Par ailleurs, le contexte économique général des années 2008 à 2011, lourd de conséquences sur la commercialisation et la consommation des vins, n’a pas forcément permis d’isoler les effets propres de la réforme de l’OCM. Toutefois, au-delà de l’évaluation détaillée de la réforme elle-même, l’étude présente aussi une analyse complète de la structure, du contexte et des marchés du secteur vitivinicole.

Le suivi de la réforme montre que la mise en œuvre du régime d’arrachage a eu, en trois campagnes, un impact significatif sur le potentiel de production communautaire, avec un recul des surfaces en vigne de 4,6 %, restructuration particulièrement marquée en Espagne (- 8,5 %). Cette mesure aurait ainsi permis une amélioration de la compétitivité globale du secteur.

Concernant les entreprises de transformation, il est apparu difficile de mettre d’ores et déjà en évidence les effets généraux de la réforme de l’OCM, mais les mesures de reconversion et restructuration du vignoble ainsi que la promotion sur les pays tiers sont perçues comme très favorables au secteur. Au contraire, le régime d’arrachage a pu, par endroits, créer des problèmes d’approvisionnement en raisin pour les entreprises. Par ailleurs, de nombreuses entreprises avaient anticipé la réforme de l’OCM et s’étaient engagées avant 2008 dans une stratégie de meilleure adaptation au marché (augmentation de la part de vin conditionné au détriment du vrac).

La suppression de l’aide à la distillation aurait d’ores et déjà mis en difficulté certaines distilleries spécialisées dans la production d’alcool industriel, les amenant à réorienter leurs activités. De même, la suppression de l’aide à l’incorporation de moûts de raisins concentrés a entraîné une large perte de compétitivité de ces produits par rapport au saccharose. Au-delà de la baisse de la demande qui en résulte, cette suppression pourrait entraîner une distorsion de concurrence entre les régions où la chaptalisation est autorisée (utilisation de saccharose) et les autres.

La réforme de l’OCM ne semble pas avoir sensiblement modifié les équilibres de marchés, le niveau de stock restant globalement stable (à l’exception de certaines AOP italiennes, dont la consommation serait affectée par la crise économique). Le développement des exportations a en effet compensé le recul progressif de la distillation. En termes d’efficience, l’évaluation de la réforme de l’OCM montre que les mesures d’aide à l’arrachage permettent d’atteindre une stabilisation du marché avec une dépense moindre que via les mesures d’aide à la distillation. En revanche, le financement des vendanges en vert se révèle plus coûteux que l’aide à la distillation de crise.

Cette analyse détaillée conduit l’évaluateur à estimer que la réforme de l’OCM est globalement conforme à ses objectifs, efficace et efficiente. Il apporte toutefois certaines recommandations complémentaires. Parmi celles-ci, il alerte la Commission européenne sur la situation des distilleries, mises en difficulté par la suppression des aides à la distillation. Par ailleurs, il reste circonspect sur le régime de paiement unique mis en place en Espagne pour les anciens producteurs de raisin pour l’alcool de bouche, qui pourrait être une source de distorsions de concurrence entre producteurs espagnols.

En analysant les marchés extérieurs, le cabinet d’étude met en évidence une concurrence croissante des vins des pays tiers dans les États membres peu ou pas producteurs de vins. Ce constat l’amène à préconiser une extension des mesures d’aide à la promotion à l’intérieur du marché communautaire, y compris pour certains vins sans IG. Enfin, parmi d’autres recommandations, une révision du règlement sur l’enrichissement et la chaptalisation des vins (CE 1234/2007) est préconisée.

 Jean-Noël Depeyrot, Centre d’études et de prospective

 Source : Commission européenne

 

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