Durabilité du système agricole et alimentaire européen et autonomie vis-à-vis de l’azote

Un article paru dans Environmental Research Letters, en août 2025, s’intéresse à la durabilité du système agricole et alimentaire européen, au travers de l’azote, principal « facteur limitant » de la production agricole après l’eau. Pour ce faire, les chercheurs utilise le modèle GRAFS (Generalized Representation of Agri-Food Systems), qui représente les flux azotés entre l’agriculture, l’élevage, la consommation humaine et le commerce extérieur. Ils se sont intéressés à plusieurs indicateurs : l’efficience de l’utilisation de l’azote, les pertes dans l’environnement, la dépendance du système vis-à-vis des importations de ce nutriment et la « circularité », calculée comme le ratio entre l’azote du sol « recyclé » (issu des excréments humains et animaux, et des redépositions atmosphériques) et les apports totaux (figure).

Modélisation des flux d’azote entre l’agriculture, l’élevage, le commerce extérieur et la consommation humaine, à l’échelle européenne
Source : Environmental Research Letters
Lecture : le diagramme de gauche (a) représente, en couleur, les flux entrant dans le calcul de la « circularité » de l’azote, calculée comme le ratio entre l’azote du sol « recyclé » (flux en vert) et les apports totaux (flux verts et gris). Le diagramme de droite (b) représente, en couleur, les flux entrant dans le calcul de la dépendance à l’azote importé, calculée comme l’azote importé (flux en rouge) nécessaire à la production d’1kg d’azote pour l’alimentation humaine (flux en gris).

Deux scénarios à l’horizon 2050 ont été choisis, comme « opportunités d’explorer les futurs possibles et de stimuler les débats ». Ils reposent tous les deux sur des régimes alimentaires moins carnés (2 à 3 fois moins de protéines animales que dans le scénario de référence 2015-2019), sur l’absence d’engrais de synthèse et d’importation d’aliments pour le bétail, sur la généralisation des rotations en agriculture biologique, etc.

Dans le scénario « agro-écologique » (AE), la production agricole est à sa capacité optimale, et des exportations et échanges entre les 127 « zones agricoles similaires », sur lesquelles porte l’analyse (nomenclature NUTS européenne), sont possibles. Le scénario « simplicité radicale du mode de vie » (RS) limite quant à lui la production aux besoins de chacune des unités géographiques. En lien avec les régimes moins carnés, les cheptels des scénarios AE et RS diminuent tandis que la fixation de l’azote atmosphérique double du fait des légumineuses introduites dans les rotations, plus diversifiées.

Les résultats de la modélisation indiquent que les deux scénarios permettent de nourrir la population européenne. Ils génèrent même des excédents, quoique bien moindres que ceux du scénario de référence. Les surplus d’azote dans le sol diminuent fortement et l’efficience de l’azote augmente : de 0,59 (référence) à 0,76-0,78 dans les scénarios modélisés. Les pertes d’azote dans l’environnement sont ainsi réduites, de moitié dans le scénario AE et encore davantage dans le RS (figure).

Pertes d’azote dans la situation de référence et dans les 2 scénarios modélisés : a) volatilisation d’ammoniac (polluant atmosphérique), b) émissions de protoxyde d’azote (GES), c) lixiviation de nitrates
Source : Environmental Research Letters

Compte tenu des hypothèses de base des scénarios, la dépendance aux importations d’azote devient quasiment nulle, alors qu’elle était en moyenne de 2,7 kgN (azote importé nécessaire à la production d’1kg d’azote pour l’alimentation humaine) dans la situation de référence (figure). La circularité de l’azote augmente dans le scénario AE (43 %), contre 30 % dans la situation de référence et dans le scénario RS, où les apports d’effluents animaux sont faibles du fait du cheptel très réduit.

 Circularité de l’azote (a), dépendance aux importations (b) et autosuffisance en azote pour l’alimentation (c), dans la situation de référence et dans les 2 scénarios modélisés
Source : Environmental Research Letters

Karine Belna, Centre d’études et de prospective

Source : Environmental Research Letters

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