Migrations internationales et travail agricole
La Revue européenne des migrations internationales consacre un dossier (octobre 2022) aux travailleurs étrangers en agriculture. Elle envisage la dépendance des exploitations à cette main-d’œuvre, dans différents contextes. Dans l’article introductif, l’existence d’une main-d’œuvre potentielle en Afrique, en Amérique latine et en Europe de l’Est peut être considérée comme une marge de flexibilité sur la masse salariale pour les agriculteurs.
Pour faire face à la concurrence espagnole, les exploitations arboricoles de la Crau (Bouches-du-Rhône), étudiées par B. Mésini (CNRS), ont recours aux contrats de saison (encadrés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, OFII) et aux contrats de mission (mise à disposition de travailleurs détachés par des entreprises de travail temporaire). L’auteure relève « un processus de substitution » entre les deux à la fin des années 2000, l’externalisation vers un prestataire de services réduisant « le travail administratif et l’incertitude » pour les producteurs, mais aussi la conflictualité sociale. À partir de 2018, la multiplication des incriminations pour infractions de travail dissimulé est venue ralentir cette tendance.
Dans un autre article, F. Décosse (université Aix-Marseille) et E. Hellio (Casa de Velázquez) comparent les contrats OFII français et les contratos en origen espagnols. Soulignant la prégnance des stéréotypes de genre et d’origine, comme critères de recrutement dans ces deux dispositifs, les auteurs montrent plus largement l’importance des préoccupations de « contrôle des flux » dans les programmes de migration temporaire. Enfin, signalons un article de A.-A. Lascaux (université de Poitiers) sur l’installation d’ouvriers saisonniers marocains dans les friches interstitielles d’une huerta provençale en déprise agricole. L’auteure identifie différents profils d’entrepreneurs et une logique commune d’« imitation du système productif local », intensif, en recourant à de nombreuses pratiques à la limite de la légalité, en matière d’accès au foncier et aux produits phytosanitaires, de respect des règles d’hygiène et du droit du travail, etc.
Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective