Changement climatique, agriculture et santé publique dans les pays les plus pauvres

Le 6e rapport du Lancet Countdown a été publié en octobre 2021. The Lancet Countdown est le fruit d’une initiative internationale qui, depuis 6 ans, tente d’évaluer l’impact du changement climatique sur la santé publique au niveau mondial, avec un focus particulier sur les pays les plus pauvres. Une quarantaine d’institutions et de centres de recherche y sont impliqués, couvrant un vaste champ pluridisciplinaire au-delà des experts en santé humaine : agriculture, énergie, géographie, science politique, etc. Les rapports annuels comportent un jeu d’indicateurs qui s’enrichit régulièrement et dont la méthode s’affine au fil du temps et des évaluations par les pairs. Cinq champs thématiques sont couverts par ce suivi sur longue période : l’impact direct du climat sur la santé, les politiques d’adaptation et de lutte contre les événements climatiques extrêmes, la lutte contre le changement climatique et ses co-bénéfices pour la santé, les conséquences économiques, la mobilisation des gouvernements et de la société civile. Pour la 3e année consécutive, toutes les données sont accessibles sur un portail dédié.

Les auteurs traitent notamment des impacts sur l’agriculture et les travailleurs agricoles. Dans les pays à l’Index de développement humain (IDH) le plus faible, ces derniers ont été particulièrement pénalisés, en 2020 : 70 % des heures de travail perdues l’ont été dans ce secteur (graphique ci-dessous), causant une baisse de 4 à 8 % du Produit intérieur brut.

Heures de travail potentiel perdues en raison de la chaleur par secteur (1990-2020), les pays étant répartis par quartile d’Index de développement humain (IDH) A : IDH faible ; B : IDH moyen ; C : IDH élevé ; D : IDH très élevé

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Source : The Lancet

Au-delà des actifs touchés par la chaleur et l’ensoleillement (qui limitent l’activité), l’agriculture est prise en compte pour plusieurs de ses effets sur la santé publique : alimentation (sécurité et régimes alimentaires) et pollution de l’air. Plusieurs indicateurs sont examinés. Par exemple, le potentiel de gains de productivité pour les principales cultures est en baisse en 2019, de 1,8 à 6 % selon les cas, par rapport à la moyenne 1981-2010. 70 % des pays ont enregistré une hausse, en 2018-2020 par rapport à 2003-2005, de la température de surface des eaux marines. Parmi les indicateurs suivis, figurent également : émissions de gaz à effet de serre liées à la production et la consommation alimentaire et non alimentaire de produits agricoles ; surmortalité associée à l’alimentation (9,6 millions de morts en 2018) et particulièrement à la surconsommation de viande rouge (0,8 million de morts en 2018) ; mortalité du fait de l’exposition aux particules fines (figure ci-dessous) ; coûts associés.

Nombre de décès attribuables aux particules fines en fonction des sources d’émission, en 2015, 2018 et 2019 (de haut en bas), pour chaque groupe de pays

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Source : The Lancet

S’appuyant sur les données les plus récentes, l’édition 2021 intègre pour partie seulement les conséquences de la pandémie de Covid-19. Les auteurs alertent, en conclusion, sur les risques encourus du fait d’une reprise économique forte qui n’intégrerait pas les adaptations nécessaires pour lutter contre le changement climatique, et qui se traduirait par une accélération des impacts négatifs sur la santé des habitants des pays les plus pauvres.

Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective

Source : The Lancet

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