Les mesures agro-environnementales de protection de la biodiversité doivent s’inscrire dans la durée

Quel est l’impact, sur la biodiversité, des mesures agro-environnementales encourageant l’installation ou le maintien de champs de fleurs ? C’est à cette question qu’ont souhaité répondre des chercheurs d’universités allemandes dans un article publié en février dans la revue PNAS.

Pour cela, les auteurs ont mesuré la diversité de 12 groupes taxonomiques (1 519 taxons) sur 27 sites localisés en Bavière : 8 champs de fleurs nouvellement semés, 8 champs de fleurs resemés, 7 anciens champs de fleurs transformés en surfaces d’intérêt écologique (ex. : haies) et 4 prairies calcaires semi-naturelles (utilisées comme témoins). Les trois premières catégories d’habitats, localement promues par des mesures agro-environnementales, ayant des âges variés, les auteurs ont pu évaluer l’impact de la continuité temporelle sur la biodiversité (figure ci-dessous). Ils ont aussi étudié les rôles de la taille des habitats et de la part d’habitats semi-naturels dans le paysage avoisinant.

Les résultats montrent que la diversité (le nombre d’espèces trouvées dans chaque site par rapport au nombre total observé) est jusqu’à 39 % plus élevée dans les prairies calcaires que dans les trois autres types d’habitats, suggérant que la continuité temporelle a un impact positif sur la biodiversité (figure ci-dessous). Cette continuité joue également sur les assemblages d’espèces présentes, ceux des champs de fleurs se rapprochant avec le temps de ceux des prairies. Les résultats montrent aussi que les prairies abritent plus de pollinisateurs que les champs de fleurs, mais pas significativement plus d’auxiliaires des cultures. Par ailleurs, les auteurs trouvent que la taille et la proportion de milieux semi-naturels dans le paysage n’influencent pas significativement la biodiversité, mais ces résultats devraient être vérifiés pour des valeurs faibles (inférieures à 0,29 ha et 3,6 %).

Diversité des espèces présentes dans les habitats promus par les mesures agro-environnementales, selon un gradient de continuité temporelle

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Source : PNAS

Lecture : A) diversité générale, B) diversité des pollinisateurs, C) diversité des auxiliaires de cultures dans les différents types d’habitats promus par les mesures agro-environnementales, selon un gradient de continuité temporelle (croissant de la gauche vers la droite). Proportion d’espèces présentes dans chaque type d’habitat pour D) tous les taxons, E) les pollinisateurs et F) les auxiliaires de culture. Les groupes taxonomiques sont les plantes vasculaires, les orthoptères, les cigales, les syrphes, les abeilles, les papillons, les phalènes, les coléoptères pollinisateurs, les guêpes parasitoïdes, les carabes, les Staphylinidae et les oiseaux.

Les auteurs soulignent donc la pertinence de mesures agro-environnementales pluri-annuelles, encourageant le maintien dans le temps d’habitats abritant une forte biodiversité. Toutefois, leur efficacité reste limitée puisque ces surfaces sont habituellement remises en culture après quelques années. L’action publique pour la conservation devrait donc également encourager le maintien et la restauration des prairies permanentes semi-naturelles.

Estelle Midler, Centre d’études et de prospective

Source : PNAS

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