Colloque au Sénat : « L’agroécologie : une pratique d’avenir. Comment réussir la transition ? »
Le sénateur Joël Labbé (EELV) a organisé le 8 avril dernier un colloque, animé par Marie-Monique Robin (journaliste, auteur des Moissons du futur. Comment l’agroécologie peut nourrir le monde, La Découverte et Arte Editions, 2012), qui fait écho à la démarche « Produisons autrement » du Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. La journée avait pour ambition de baliser un champ de discussion très large, délimité en introduction par Stéphane Le Foll et Olivier de Schutter.
La position du « bio » par rapport au « conventionnel » a été posée au fil des interventions, l’enjeu étant de mieux cerner la portée de l’agroécologie, notion encore peu institutionnalisée. Le bilan économique et social de « l’agriculture conventionnelle » a ainsi été discuté à partir d’une évaluation des impacts sociaux et environnementaux de la filière lait française. L’étude du cabinet Satori, dont la publication a été annoncée pour 2014, mettrait en évidence des « externalités négatives » (i.e, un coût masqué, payé par la société) de 28% en moyenne, contre 17% pour la filière bio. D’autres présentations ont porté sur l’accès au foncier (action de Terres de Liens), ou sur les perspectives de développement à l’horizon 2050 (prospective Afterres 2050 du cabinet Solagro).
Les questions de l’innovation et de la recherche en agroécologie ont été abordées à partir du cas de l’agroforesterie (Fabien Liagre), un cas de tension patente entre le temps long de la recherche, dépendante de la croissance des arbres, et le temps court des financements par projet. Les outils de politiques publiques ont été évoqués à plusieurs reprises, que ce soit pour proposer d’appuyer les agriculteurs expérimentateurs (assurances, crédit d’impôt recherche, participation comme partenaires aux appels à projets du Casdar ou de l’Union européenne), ou des réorientations de la PAC. Marc Dufumier a plaidé pour « arrêter le découplage » et « retrouver le caractère incitatif des aides » en les liant à l’agroécologie, suivant deux axes : promouvoir l’agriculture biologique (soutenir les circuits courts de taille critique, en utilisant le levier de la restauration collective) et rémunérer les services environnementaux, sur la base d’une obligation de résultats. Fabien Liagre a avancé l’idée d’une mesure agro-environnementale (MAE) autour de « l’arbre champêtre ». En dialogue avec ces propositions, Luc Maurer, conseiller technique de Stéphane Le Foll, a précisé les lignes directrices du projet agroécologique pour la France.
De son côté, Toby Bruce (entomologiste, centre de recherche de Rothamsted) a évoqué le potentiel des OGM, présentés comme une « alternative » pour accélérer les progrès de la recherche sur les systèmes agroécologiques (par opposition à une démarche empirique, fondée sur les savoirs paysans, jugée trop précaire) et pour réduire les coûts de main-d’œuvre (des systèmes comme le push-pull, sur lequel il a travaillé, étant très intensifs en travail). Clôturant le colloque, Philippe Baret (professeur d’agronomie à l’Université catholique de Louvain), a affirmé que l’ambiguïté des concepts est un verrou à la diffusion des pratiques agroécologiques, et a, pour sa part, mené une charge violente contre la notion d’Agriculture Ecologiquement Intensive (AEI).
Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective
Sources : Plaquette du colloque
Présentation de Philippe Baret
Les autres présentations devraient être prochainement mises en ligne.