Foodtopia. Communities in Pursuit of Peace, Love and Homegrown Food,M.A Kelley, Godine, 2022, 384 pages

Ce livre retrace l’histoire des retours à la terre, aux États-Unis, depuis la première moitié du XIXe siècle. Il identifie cinq mouvements successifs, dans les années 1840, 1900, 1930, 1970 et 2010, dont il souligne les points communs. D’abord un dégoût de la civilisation, de la grande ville et du capitalisme. Ensuite l’aspiration à davantage de liberté, d’égalité (entre hommes et femmes ou groupes sociaux) et à une meilleure connexion avec la nature. Et enfin l’importance accordée à la production agricole et à l’alimentation pour construire, sur le mode de l’exemple et de la préfiguration, une alternative à un ordre social contesté.

Pour chacune des périodes marquantes, l’ouvrage décrit le rapport au travail agricole, les relations ville-campagne et les conceptions dominantes de l’alimentation. Il commence par les « utopies séculaires » liées au transcendantalisme, qui prospèrent dans le Massachusetts des années 1840. Il évoque ensuite la communauté d’Arden (Delaware, à partir de 1900), puis S. et H. Nearing, militants de la simplicité volontaire, basés pendant la Grande Dépression des années 1930 dans le Vermont. Ils sont un trait d’union avec le mouvement hippie des années 1970. Si les expériences précédentes, en dépit de leur aura, avaient un goût d’échec et d’inachevé, l’auteure souligne ici la réussite sociale de mobilisations (telles celle des Diggers en Californie), qui parviennent à pénétrer la culture de masse (livres de cuisine, de conseils nutritionnels, etc.). Le terrain est ainsi préparé pour le mouvement actuel.

Ne citant que peu de chiffres, l’auteure livre cependant des aperçus intéressants sur la recrudescence d’installations sur des petites fermes. Appartenant aux millenials et à la « Gen Z », nés dans les années 1980 à 2000, les nouveaux back-to-landers sont aiguillonnés par des crises économiques et environnementales, propices à la prise de conscience. Soucieux de relocalisation et d’autonomie, ils trouvent l’inspiration chez des auteurs à succès tels M. Pollan et B. Kingsolver. Se basant sur des visites réalisées dans le Maine, M.A. Kelley prête à ces nouvelles générations une meilleure préparation au métier et une plus grande maîtrise technique, notamment grâce à des stages préalables (apprenticeship). Enfin, le déploiement des réseaux sociaux numériques constitue une rupture, en permettant un décloisonnement inédit par rapport aux formes communautaires des précédentes vagues de « retour ».

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Lien : Godine

 

 

image_pdfimage_print