Ralentir l’érosion des terres pour enrayer la pénurie de phosphore

Un article publié par la revue Nature Communications s’intéresse à la disponibilité en phosphore au sein des cultures et systèmes agricoles. Par rapport aux études existantes sur ce sujet qui se concentrent, pour la plupart, sur les moyens d’augmenter l’offre ou de diminuer la demande, cette publication se penche sur un facteur relativement peu étudié, pourtant déterminant pour le solde de phosphore : l’érosion hydrique des sols. Une autre originalité de cette étude est d’évaluer cet impact de manière géographiquement différenciée (figure ci-dessous). Ainsi, les auteurs s’appuient sur plusieurs bases de données et modèles, précédemment mis en avant dans la littérature, pour évaluer les pertes de sol par érosion hydrique, d’une part, et leur contenu en phosphore d’autre part.

Pertes mondiales de phosphore liées à l’érosion des sols en kg par hectare et par an

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Source : Nature Communications

Les données sur les pertes de phosphore ainsi obtenues et leur cartographie montrent que toutes les régions de production agricole, dans le monde, sont impactées par un solde négatif ou proche de zéro, à l’exception de l’Océanie et de l’Australie. D’après les soldes régionaux, l’Afrique est directement touchée, en raison d’une combinaison de l’érosion, induisant d’importantes pertes de phosphore, et de faibles apports de fertilisants. L’Amérique du Sud arrive à la deuxième place, en raison d’une érosion très élevée. L’Asie – et la Chine en particulier – est aussi fortement touchée par les pertes de phosphore liées à l’érosion, mais elles sont compensées par les importants apports de fertilisants (figure ci-dessous).

L’étude des flux conclut, au niveau mondial, à une dépendance critique des systèmes agricoles aux fertilisants chimiques pour combler les effets de l’érosion hydrique sur les pertes de phosphore. Dans un contexte d’augmentation de la demande de productions végétales pour répondre aux besoins agroalimentaires mondiaux, l’atténuation de l’érosion serait un levier déterminant de la lutte contre la pénurie de phosphore, surtout dans les régions avec peu ou pas d’apports futurs.

Chiffres clés pour le phosphore (kg par hectare et par an) dans une sélection de régions et pays

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Source : Nature Communications

Lecture : « Organic P management » = somme des apports d’engrais et de résidus – absorptions par la plante ; « Total Soil P » = pertes totales de phosphore dans les sols dues à l’érosion hydrique ; « Erosion loss » : ratio des pertes de phosphore par érosion sur le solde total de phosphore excluant les fertilisants (solde – fertilisants chimiques) ; « Geographic Europe » : inclut les pays européens autrefois membres de l’Union soviétique ; « NEU11 » : pays européens ayant rejoint l’Union après 2004 ; « Balance » = apports atmosphériques + fertilisants chimiques + variable « Organic P management » + total des pertes de phosphore par érosion ; « Balance-Chem. Fert. » = solde hypothétique sans les apports de fertilisant chimique.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d’études et de prospective

Source : Nature Communications

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