Multiplication des crash ultra-rapides sur les marchés financiers
Des physiciens de l’université de Miami, en collaboration avec l’entreprise d’analyse financière Nanex, ont publié, parmi les scientific reports du site Nature, une analyse des événements extrêmes et ultrarapides sur les marchés financiers, en s’interrogeant sur l’origine de ces phénomènes et sur leurs implications au niveau macroéconomique.
Ultrarapide Extreme Events (UEE) : exemples de crash et de pics de prix
Leur analyse a porté sur les variations de prix extrêmes, d’amplitude supérieure à trente écarts-types, concentrées sur une durée inférieure à 1 500 millisecondes. Alors que, statistiquement, ces évènements devraient rester particulièrement rares, leurs travaux ont permis d’en recenser 18 520 de janvier 2006 à février 2011. La rapidité de ces évènements, comparée aux temps de réaction humains étudiés en sciences cognitives, amène les auteurs à s’interroger sur le rôle du trading algorithmique dans la survenue de ces crashs.
Par ailleurs, pics de prix et crashs apparaissent en même nombre, et suivent les mêmes distributions, sans que leur occurrence, examinée pour chaque produit financier concerné, puisse être reliée à la volatilité ou au niveau des prix. En revanche, sur la période 2006-2011, et tout particulièrement pendant la crise de 2008, la comparaison de l’indice global Standard & Poors 500 et de la multiplication de ces événements extrêmes montrerait une corrélation étonnante entre des évènements aux pas de temps aussi différents (de la microseconde au mois). Les auteurs posent ainsi la question du rôle de ces points de rupture dans l’instabilité générale des marchés, sans pouvoir pour l’instant y répondre avec les données en leur possession.
Sans se pencher sur le contenu des algorithmes mis en œuvre dans les transactions, les auteurs tentent d’expliquer l’occurrence de ces évènements extrêmes par un modèle « écologique » de système décisionnel complexe multi-acteurs (type de modèles expliquant que le comportement d’un troupeau ou d’un banc de poisson soit plus efficace et rapide que celui d’un individu isolé). Selon leur modèle, lorsque le nombre de stratégies mises en place est supérieur au nombre d’agents opérant sur un marché, ce qui est le cas lorsque les agents sont des opérateurs humains, les évènements extrêmes restent particulièrement rares (dans le cadre des lois de distribution statistiques). En revanche, lorsque le nombre d’agents opérant dépasse le nombre de stratégies, comme c’est le cas lorsque des algorithmes sont répliqués, les crashs et pics ultrarapides se multiplient. Cette analyse permettrait d’expliquer la multiplication des évènements extrêmes sur un temps inférieur à la seconde, en dessous du temps de réaction humain, et ce indépendamment de la conception même des algorithmes, la multiplication des agents de décision portant en elle-même le germe de ces instabilités.
Cette étude, qui méritera d’être actualisée au-delà de 2011 et d’être complétée par des analyses plus détaillées des conséquences des fluctuations extrêmes, contribue au développement d’approches novatrices sur les marchés financiers. Si elle ne s’intéresse pas spécifiquement aux marchés dérivés de produits agricoles, certaines publications de la société Nanex montrent que ceux-ci peuvent être concernés, au même titre que l’ensemble des actifs financiers.
Jean-Noël Depeyrot, Centre d’études et de Prospective
Source : Nature