Controverses autour des réponses high-tech à l’érosion de la biodiversité

L’accélération du rythme d’extinction des espèces animales et végétales est aujourd’hui un fait largement admis. Les biologistes parlent souvent d’une « sixième extinction », marquant l’ère de l’anthropocène, notion avancée par Paul Josef Crutzen pour caractériser un nouvel âge géologique défini par la capacité de l’homme à transformer l’ensemble du système terre. Ce diagnostic justifierait « les injonctions environnementales » et la mise en place de politiques publiques pour préserver l’environnement : stratégies de réduction des effluents industriels et agricoles, mesures agro-environnementales, sanctuarisation de parcs naturels et autres espaces protégés, etc.

Plusieurs revues de vulgarisation scientifique (Science, National Geographic) viennent de faire écho à une série de conférences TED et TEDx sur la « dé-extinction » ou la « résurrection d’espèces ». Les progrès de la génétique permettront-ils prochainement de manipuler l’ADN d’espèces disparues, conservé dans des musées ou dans la nature (cadavres de mammouths retrouvés dans les terres glacées de Sibérie), pour « ramener à la vie » les espèces que l’homme a contribué à faire disparaître, comme le dodo, la tourte voyageuse ou le loup de Tasmanie ?

En 2003, une équipe scientifique franco-espagnole a déjà cloné un bouquetin des Pyrénées, le bucardo, sous-espèce disparue en 2000, en utilisant la technologie de clonage par transfert nucléique, à partir de tissus vivants prélevés en 1999 (injection des noyaux issus de ces cellules dans des ovules de chèvre débarrassés de leur ADN). Le clone est mort à la naissance. De nombreux problèmes matériels et techniques se posent pour chaque espèce qu’on pourrait envisager de « ressusciter », des questions éthiques sont soulevées (le « devoir » de réparation des dommages causés par l’homme, d’un côté, le délire prométhéen « à la Frankenstein », de l’autre). Mais cette première réussite indique une voie de recherche en biologie de la conservation et en écologie de la restauration que certains entendent explorer.

En France, Alain Dubois, professeur au Muséum national d’histoire naturelle et Jacques Testart, directeur de recherches honoraire de l’Inserm ont réagi dans une tribune de Médiapart en soulignant le risque politique de ces approches néo-restauratrices : elles pourraient détourner de la vraie urgence, qui est de préserver la biodiversité existante. Ce projet « techniquement fort incertain, repose sur une conception erronée du vivant et envoie un mauvais message à la société et aux décideurs. Plutôt que de tenter sans grand espoir de “ ressusciter ” les espèces éteintes, nous devrions nous préoccuper de réduire les extinctions en cours. Et comme de toutes façons celles-ci continueront, nous devrions tout faire pour inventorier et étudier le plus grand nombre d’entre elles avant qu’elles aient définitivement disparu. »

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Conférences TED et TEDx :

http://www.ted.com/talks/stewart_brand_the_dawn_of_de_extinction_are_you_ready.html

http://tedxdeextinction.org/

 Réactions Françaises :

http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/210313/la-resurrection-d-espece-bonne-ou-mauvaise-idee

http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2013/04/07/doit-on-ressusciter-les-especes-disparues/

 

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