Place de l’animal dans les médias et évolution des sensibilités

La revue Le temps des médias consacre un dossier à l’évolution du rapport aux animaux sauvages, de compagnie et de rente. Depuis le XIXe siècle, une profusion de récits estompent les relations de domination et mettent plutôt en valeur leurs capacités cognitives et sociales, ainsi que leur sensibilité. Ceci s’accompagne de nouvelles revendications.

Dans sa contribution, C. Sécail s’intéresse à l’émission de télévision 30 Millions d’amis, apparue sur TF1 en 1976, novatrice par la diffusion de micro-récits sur « l’aptitude animale à souffrir ou éprouver du plaisir ». L’auteure détaille aussi la formation de tout un écosystème militant (émission, magazine, fondation), et dénombre les différentes causes défendues, au-delà de la lutte contre l’abandon des animaux de compagnie (figure ci-dessous). Dans les années 1990, se sont multipliés des « récits-frontières », invitant le public à « s’interroger sur les catégories » et sur la délimitation entre le sauvage et le domestique. De plus en plus concurrencée par les documentaires et les réseaux sociaux, l’émission s’est arrêtée en 2016.

Principales causes animales défendues dans 30 Millions d’amis (en %)Source : Le temps des médias

Plusieurs articles lient l’évolution des sensibilités à la structuration de l’espace public. Retraçant l’histoire de l’ours Martin du Jardin des plantes (Paris), entre 1805 et 1900, O. Vayron montre que les actes de violence à l’encontre des 148 spécimens regroupés sous ce nom restent d’un niveau constant. Mais leur médiatisation s’accroît, des « publicistes » exprimant ainsi leur inquiétude face aux débordements des spectateurs issus des classes populaires (jets de pierre, etc.). Enfin, le rôle des associations est analysé avec les articles de M. Dupuy sur l’oiseau mazouté, symbole des marées noires, et de P. Lefébure sur la stratégie du « choc moral » dans la communication de PETA (Pour une éthique dans le traitement des animaux), association de défense.

L’inertie des représentations est également mise en évidence, notamment dans deux articles abordant la socialisation et l’expérience enfantine. Étudiant les albums éducatifs qui mettent en scène un cochon, V. Chantseva montre qu’ils s’éloignent d’un « schéma » où les bêtes incarnent la saleté, la brutalité, mais qu’ils réaffirment toutefois la nécessité de l’ordre et de la propreté.

À propos des films Disney, depuis 1950, C. Duranton et A. Perrin soulignent une lente transition du chien, passant du statut de « bien utilitaire » à celui d’« individu à part entière ». Simultanément, l’anthropomorphisme cède le pas à des représentations plus réalistes. Cependant, la canonisation des premiers films, devenus classiques, se traduit aussi par la rémanence de l’imagerie traditionnelle.

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Source : Le temps des médias