Paradoxe de l’approvisionnement des cantines scolaires situées en dehors des zones urbaines

Dans un article publié dans la revue Annales de géographie, Morgane Esnault (université de Caen Normandie) présente les résultats d’une enquête menée sur les chaînes d’approvisionnement des cantines scolaires de la Manche. Son travail repose sur des entretiens avec des agents chargés des achats des cantines, complétés par l’analyse de données quantitatives et par sa participation à des réunions avec des acteurs locaux, notamment consacrées aux Projets alimentaires territoriaux (PAT).

L’auteure rappelle d’abord les contraintes auxquelles sont soumis les restaurants scolaires : budget dépendant du prix du repas voté par les collectivités, ressource en main-d’œuvre limitée pour la préparation des repas, quantités minimales réglementaires de « produits de qualité et durables », respect des règles du Code de la commande publique. Elle définit ensuite les « espaces non centraux », constitués des communes appartenant aux aires d’attraction des villes petites et moyennes (moins de 200 000 habitants). Elle s’y intéresse car ces espaces sont éloignés des zones bénéficiant de structures de restauration collective de grande dimension, et donc potentiellement des services d’approvisionnement associés.

Elle montre que dans ces espaces non centraux, pourtant proches de la production agricole, les marchés publics ne sont pas adaptés à un approvisionnement de proximité (tableau ci-dessous). La taille des cantines y étant relativement modeste, une demande atomisée rencontre une offre elle aussi atomisée, générant des coûts logistiques et une empreinte environnementale plus élevés pour les fournisseurs locaux. Les gestionnaires constatent que les grossistes sont souvent les seuls à répondre aux appels d’offres et qu’ils sont particulièrement performants pour les remporter. En effet, ils ont un catalogue étendu et une aptitude à proposer des aliments à différents stades de préparation, qui permettent de pallier le manque de main-d’œuvre dans les cantines. Leur capacité logistique à fournir des quantités adaptées à chaque taille de restaurant et à regrouper l’offre est également un atout majeur pour répondre aux critères légaux de qualité et d’origine des denrées.

Utilisation de produits « locaux » et issus de l’agriculture biologique par certains restaurants scolaires enquêtésSource : Annales de géographie

L’auteur retire toutefois de son analyse que les PAT pourraient permettre la mutualisation des besoins des cantines d’un territoire et leur mise en adéquation avec l’offre des fournisseurs locaux.

Julie Blanchot, Centre d’études et de prospective

Source : Annales de géographie