Les exploitants non issus du milieu agricole, mal ciblés par les politiques publiques

Alors que le renouvellement des actifs agricoles est un objectif largement partagé au plan européen, plusieurs publications récentes reviennent sur les difficultés rencontrées par les nouveaux entrants. Les politiques de soutien à l’installation ne contribuent pas toujours à aplanir ces difficultés, quand elles ne les aggravent pas.

Pour bien cibler les mesures, l’un des problèmes tient à la définition même du « nouvel entrant », comme le soulignent des chercheurs du James Hutton Institute, dans la revue Eurochoices. Les personnes concernées connaissent une multiplicité de profils et de parcours (figure ci-dessous). À partir d’une enquête auprès d’agriculteurs récemment installés et de structures chargées de les accompagner, dans neuf pays européens, ils constatent que la façon dont les intéressés se définissent ne correspond pas aux critères retenus pour bénéficier des soutiens de la Politique agricole commune (PAC). L’appellation « jeune agriculteur » est ainsi en décalage avec la réalité des projets professionnels, l’âge moyen d’installation étant de 38 ans. L’absence de modulation des aides selon le mode d’accès (héritage ou non) conduit de facto à favoriser les transmissions dans le cadre familial. Ainsi, pour la France, un récent rapport de la Cour des comptes souligne qu’un tiers seulement des nouveaux agriculteurs concentre la plus grande partie des soutiens financiers publics.

Les nouveaux entrants en agriculture, une diversité de profils et de projetsSource : Eurochoices

L’accès aux moyens de production, notamment à la terre, reste le principal frein à l’entrée dans le secteur de personnes non issues du milieu agricole. Dans un article publié dans Sustainability, W. K. Korthals Altes montre qu’il est plus rentable, pour une grande exploitation, de poursuivre son agrandissement au détriment de structures plus petites, a fortiori des nouveaux entrants, alimentant la hausse du prix des terres. Celle-ci est amplifiée par la capitalisation des aides à l’hectare. Dans ce contexte, les systèmes de portage du foncier, tels que ceux mis en œuvre par Terre de Liens, peuvent selon lui compenser (à la marge) les dysfonctionnements induits par les politiques publiques.

Les dispositifs d’accompagnement sont de plus en plus nombreux, comme l’indiquent les intervenants de l’émission De cause à effets (France Culture), consacrée aux néoruraux. Ils visent à répondre à des projets et des profils diversifiés. La socialisation agricole et la confrontation avec le réel, à travers des stages, complètent la nécessaire formation technique. Dans un entretien publié dans le Déméter 2023, A. Bourolleau (co-fondatrice d’Hectar) et G. Halpern (philosophe) considèrent que les compétences acquises grâce à leurs expériences antérieures, par les nouveaux venus en agriculture, contribuent à faire évoluer les métiers et les activités vers plus d’hybridation.

Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective