Transition agro-écologique et consommation alimentaire : le cas de la montagne limousine

Dans un article publié en décembre 2022 dans la Revue de géographie alpine, deux chercheurs d’AgroParisTech étudient les liens entre transition agro-écologique et alimentation dans les régions de moyenne montagne. Leur objectif est de clarifier le rôle de la consommation locale dans le fonctionnement et la pérennité des systèmes de production agro-écologique. La recherche repose sur un travail de terrain conséquent (entretiens, analyses technico-économiques), conduit dans la montagne limousine. Depuis une dizaine d’années, des éleveurs regroupés au sein de l’Association pour le pastoralisme sur la Montagne limousine (APML) y ont développé de tels systèmes.

Les auteurs rappellent d’abord les grandes étapes du développement agricole de la région, depuis les années 1950. Ils décrivent le passage de systèmes de production diversifiés à un élevage bovin naisseur spécialisé (broutards). Auparavant destinée à des débouchés locaux, la production régionale s’inscrit désormais dans des filières longues et mondialisées, les broutards étant exportés en Italie pour y être engraissés. À rebours de ce développement agricole et à sa marge, les éleveurs de l’APML ont développé des systèmes ovins allaitants agro-écologiques reposant sur le pastoralisme. L’analyse économique montre qu’ils dégagent une valeur ajoutée deux à trois fois supérieure aux autres, mais leur revenu est plus faible en raison d’une répartition défavorable des soutiens de la Politique agricole commune, notamment du premier pilier.

La dernière partie de l’article est consacrée aux débouchés des systèmes agro-écologiques étudiés. Les auteurs montrent que leur production n’est pas en adéquation avec les standards des filières longues (durée d’engraissement, conformation, couverture de gras). Dans ces conditions, ces éleveurs se sont tournés vers la vente directe, qui leur permet de valoriser la meilleure qualité, en particulier nutritionnelle, de leur production (teneur en acides gras insaturés, etc.). L’étroitesse du marché local limite toutefois les perspectives de développement et conduit nombre d’exploitants à étendre leurs livraisons aux villes limousines, voire à des villes plus lointaines (Toulouse, Lyon, Paris). En conclusion, les auteurs considèrent que l’amplification de la transition agro-écologique nécessiterait d’élargir les débouchés locaux, notamment à travers une politique alimentaire ambitieuse et une collaboration plus étroite avec d’autres acteurs (bouchers, etc.).

Mickaël Hugonnet, Centre d’études et de prospective

Source : Revue de géographie alpine