Exposition aux perfluorés : alerte sur la consommation de poissons d’eau douce

Un article publié dans Environnemental Research présente les résultats de trois études mesurant la teneur en perfluorés de la chair de poissons d’eau douce capturés aux États-Unis (pêche non commerciale), et la comparant avec les quantités présentes dans le sérum des populations humaines. L’exposition aux composés perfluorés est devenue une forte préoccupation de santé publique, en raison de la rémanence de ces produits dans le sang, même si leurs effets demeurent mal connus (hyperactivité chez l’enfant, troubles reproductifs, maladies cardiaques). Les denrées d’origine animale constituent une source majeure d’exposition à ces contaminants.

Les auteurs constatent d’abord que quelle que soit la localisation ou l’espèce considérée (saumon, perche, poisson-chat, etc.), les échantillons contiennent des perfluorés : leurs concentrations sont comprises entre 1 000 et 50 000 ng/kg, avec des taux sensiblement plus élevés pour les prélèvements effectués dans la région des Grands Lacs. En les comparant aux concentrations sériques – médiane à 4,35 ng/mL pour les États-Unis –, et compte tenu de la persistance de ces composés dans le sang, les chercheurs ont modélisé le surcroît d’exposition des consommateurs induit par les repas à base de poissons d’eau douce (figure ci-dessous). Une seule prise alimentaire par mois pendant une année suffirait à l’atteinte de la concentration sérique de perfluorés pour le percentile 95 % des Américains. Un repas par semaine décuplerait la concentration sérique, jusqu’à dépasser les 50 ng/ML.

Modélisation de l’augmentation des concentrations sériques en composés perfluorés selon la consommation de repas à base de poissons d’eau douce frais
Source : Environmental Research, annotations CEP
Lecture : les colonnes de gauche représentent les concentrations sériques observées dans la population américaine (médiane et percentile 95, c’est-à-dire la valeur en-dessous de laquelle se rangent 95 % de la population). À droite, les modélisations d’augmentation de ces concentrations selon la fréquence de consommation de poissons d’eau douce.

Les auteurs soulignent que les poissons de mer ou issus des circuits de commercialisation classiques présentent des teneurs en perfluorés très inférieures, souvent non quantifiables. De ce fait, l’exposition à ces contaminants, qui concerne essentiellement les communautés – notamment autochtones – fortement dépendantes de la pêche en eau douce, relèverait d’une « injustice environnementale ». Des lignes directrices pour la consommation de poisson devraient être établies pour limiter les conséquences sanitaires chez ces populations.

Louise Dangy, Centre d’études et de prospective

Source : Environmental Research