Fortes inégalités d’accès au foncier agricole aux État-Unis

Alors qu’un tiers des agriculteurs étatsuniens avaient plus de 65 ans en 2017, un récent rapport du ministère de l’agriculture (USDA) analyse les conditions d’accès à la terre des producteurs. Comme prévu dans le cadre de la mise en œuvre du Farm Bill de 2018, il s’agit de documenter les freins à l’installation, plus particulièrement pour les agriculteurs issus des minorités ethniques et/ou les femmes (figure ci-dessous).

Les données utilisées, à l’échelle des comtés, proviennent du recensement de 2017 et d’une enquête de 2014 sur le foncier agricole dans 25 États fédérés (enquête TOTAL). Elles permettent de mesurer les corrélations entre la part d’exploitations récentes (exploitants actifs depuis moins de 10 ans), ou de celles tenues par des exploitants « socialement désavantagés » (selon l’origine ethnique ou le genre), et différents facteurs individuels et territoriaux explicatifs (urbanisation, culture ou élevage, démographies agricole et générale, fermage, politiques publiques, etc.). Les auteurs montrent que les deux proportions d’exploitations étudiées sont plus importantes dans les comtés moins tournés vers les grandes cultures. Le constat est le même dans les comtés avec un fermage plus développé, mais à condition que la superficie moyenne des baux soit plus faible.

Différence (en points de pourcentage) entre la proportion d’agriculteurs issus des minorités étudiées et le poids de ces minorités dans la population, à l’échelle des comtés, en 2017
Source : USDA
Lecture : seuls les comtés où les minorités étudiées représentent plus de 10 % de la population sont pris en compte. En rouge, les zones où les agriculteurs issus de ces minorités sont relativement moins nombreux au regard de leur poids dans la population locale. En bleu, les zones où ils sont relativement plus nombreux. En gris, les zones non couvertes par l’enquête Tenure, Ownership, and Transition of Agricultural Land (TOTAL) et donc non considérées dans la suite de l’étude (régressions).

Plusieurs politiques fédérales ont des impacts sur les prix et la disponibilité du foncier agricole : aides à la production, soutien aux programmes d’assurance récolte, prêts directs et garantis pour financer les exploitations, dispositifs de conservation des sols. Dans ce dernier cas, les effets peuvent être ambigus. Ainsi, le programme de retrait des terres du périmètre de la production réduit de fait la disponibilité du foncier. Mais une disposition spécifique peut favoriser les nouveaux exploitants : les participants au programme ont la possibilité, en conservant le bénéfice des aides pendant deux ans, de leur vendre ou louer les terres retirées, à la condition que soient privilégiés certains modes de production. Les prêts directs ou garantis sont, de façon attendue, positivement corrélés à la proportion d’exploitations étudiées ici.

Les auteurs regrettent de n’avoir pu mener d’analyse de causalité en raison de l’insuffisance des données. L’enquête sur le foncier qui devrait être reconduite en 2024 pourrait permettre de quantifier l’impact des différentes politiques sur ces populations spécifiques.

Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective

Source : USDA