Le transport responsable de 19 % des émissions de gaz à effet de serre liées à l’alimentation

Dans un article publié récemment dans Nature Food, une équipe pluridisciplinaire de chercheurs australiens et chinois évalue les émissions de gaz à effet de serre liées au transport des matériels et produits nécessaires à la production agricole, et des matières premières et transformées, jusqu’au consommateur final. Elle montre qu’avec 3 gigatonnes de CO2eq (en 2017), ces émissions représentent un cinquième de l’empreinte carbone mondiale de l’alimentation. Ce résultat multiplie par 3,5 les estimations publiées jusqu’ici.

Les chercheurs ont utilisé la notion de « km alimentaire », combinant les masses (en tonne) et les distances parcourues, pour estimer les émissions propres au transport. Ils ont aussi distingué le fret international (souvent maritime) et les échanges domestiques (voies routières). À partir de modèles régionaux entrées-sorties (utilisant la comptabilité nationale), et de données sur les échanges domestiques et internationaux, ils ont calculé les émissions annuelles pour : 37 secteurs économiques directement ou indirectement liés à la production alimentaire, 4 modes de transport et 74 espaces géographiques (58 pays, le reste représentant des regroupements régionaux).

Certains produits ont une empreinte carbone très accrue par le transport. C’est le cas des fruits et légumes, dont la production émet proportionnellement peu, mais la réfrigération pendant l’acheminement consomme beaucoup d’énergie. S’ils contribuent à 6 % des émissions liées à la production de l’ensemble des secteurs étudiés, ils participent à hauteur de 36 % à celles liées au transport.

Top 100 des flux d’échange bilatéraux associés à la consommation globale alimentaire, selon les émissions par habitant
Source : Nature Food

La vitalité des échanges agro-alimentaires, particulièrement en Europe (figure ci-dessus), fait que les émissions de GES liées au transport sont deux fois plus importantes que celles liées à la production. Les pays « les plus développés » (PIB par habitant supérieur à 25 000 $), qui regroupent 12,5 % de la population mondiale, sont responsables de près de la moitié des émissions liées au transport alimentaire. Enfin, plus la chaîne de valeur est longue et mondialisée, plus l’empreinte est importante, à l’instar de la viande rouge consommée en Chine (figure ci-dessous).

Évaluation des émissions liées à la consommation de viande rouge en Chine
Source : Nature Food
Lecture : les émissions liées à la fourniture des biens nécessaires à la production de viande rouge, jusqu’au consommateur final, en Chine, sont notées dans les bulles, alors que celles résultant de leur transport sont indiquées sur les flèches.

En conclusion, la diminution de la consommation de produits d’origine animale permettrait de réduire de façon importante les émissions du secteur agricole, mais leur remplacement par des produits végétaux devrait impérativement tenir compte des modalités d’approvisionnement, tout en considérant la durabilité des conditions de production.

Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective

Source : Nature Food