Le pire n’est pas certain. Essai sur l’aveuglement catastrophiste, Catherine et Raphaël Larrère

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Aujourd’hui, sur dix livres qui parlent de l’avenir, sept ou huit sont négatifs et catastrophistes. À contre-courant de ce flux éditorial, l’ouvrage de C. et R. Larrère démonte les ressorts de la collapsologie, critique ses présupposés et montre que le pire n’est pas toujours à craindre. Les auteurs ne nient pas l’érosion de la biodiversité ou les conséquences dramatiques du changement climatique, mais ils déplorent les conclusions apocalyptiques qui en sont tirées.

Selon eux, la collapsologie se présente comme une nouvelle science accumulant théories et données, comme un savoir rigoureux sur les processus d’effondrement, alors qu’elle n’est qu’un agencement de tendances, d’intuitions, de critères moraux et de représentations du monde. Il s’agit d’un récit téléologique et finaliste, forgé par et pour les classes moyennes occidentales, postulant l’inévitable fin du monde et l’absence d’alternatives crédibles.

En second lieu, les raisonnements des collapsologues comportent une contradiction fondamentale. D’un côté ils décrivent la Terre comme un système hyper-complexe totalement imprévisible, fait de causalités multifactorielles, de rétroactions et de seuils d’emballement. D’un autre côté ils nient cette indétermination et n’envisagent qu’un seul scénario, celui de la chute irrémédiable, et font comme si toutes les interactions en chaîne étaient écrites à l’avance.

Les auteurs accusent aussi les théoriciens de l’Anthropocène de n’avoir qu’une vision mondiale et globale du futur, comme si tous les phénomènes allaient se dérouler à l’échelle planétaire, dans une sorte de dérègement général. Au contraire, leur analyse de l’histoire des crises environnementales les amène à penser qu’elles sont toujours limitées, localisées, ne débouchant que sur des contagions partielles et temporaires.

Plus significatif encore, la surenchère décliniste produit de la sidération et de l’éblouissement, elle noie ce qu’elle montre dans une grande sorgue qui aveugle. Au lieu d’encourager l’élaboration de projets collectifs et de favoriser le passage à l’action, elle étouffe les volontés sous le poids du destin. Catherine et Raphaël Larrère dénoncent cette innocuité politique, cette impuissance pratique, et appellent à une réflexion empirique sur les besoins humains futurs. La catastrophe sera évitable à condition de politiser l’écologie et de la protéger des prophètes de malheur et de leurs peurs inutiles.

Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective

Lien : éditions Premier Parallèle