Les marchés agroalimentaires des sous-régions d’Asie : un modèle voué à l’échec ?

L’International Food Policy Research Institute (IFPRI) a publié, en avril, un document de discussion sur les freins à la mise en place d’accords régionaux de commerce de produits agroalimentaires dans trois sous-régions d’Asie, regroupant 17 pays (Asie centrale, Asie du Sud, Asie du Sud-Est). Les auteurs étudient deux périodes (1998-2002 et 2013-2017), au cours desquelles ils observent que ces pays ont peu échangé de produits agroalimentaires entre voisins.

En analysant les données d’échanges et un indice de complémentarité entre partenaires commerciaux, ils montrent que les petits pays arrivent à développer des niveaux de complémentarité commerciale plus élevés, par des accords bilatéraux avec un ou deux grands pays voisins, que par un accord régional avec plusieurs pays de leur taille dans la même sous-région. Par ailleurs, les auteurs remarquent que les exportations et les importations sont concentrées, pour chaque pays, sur une dizaine de produits. Or, les marchés principaux pour ces produits ne se trouvent pas à l’échelle sous-régionale : ce qu’un pays exporte n’est pas nécessairement ce qu’un autre pays de la même sous-région cherche à importer. Il y a donc une incompatibilité entre offre et demande, qui pénalise surtout les petits pays. Par exemple, le Bangladesh exporte ses produits agroalimentaires à 43,5 % vers l’Asie mais seulement à 16,7 % vers l’Asie du Sud, sous-région dont il fait partie. Alors que 50 % de ses exportations sont des poissons et crustacés, seulement 2,2 % sont destinés à l’Asie du Sud, faute de demande.

S’agissant des grands pays, il apparaît que la taille du marché sous-régional est trop petite pour absorber les volumes qu’ils exportent ou pour leur fournir ceux qu’ils souhaitent importer. Cela les conduit à chercher des grands partenaires commerciaux en dehors de la sous-région plutôt qu’à bénéficier d’un accord de commerce régional.

Ces différentes observations permettent aux auteurs d’expliquer pourquoi les accords de commerce régionaux ne se développent pas davantage dans ces zones, malgré la volonté réelle des gouvernements de pays en développement d’Asie de réduire leur dépendance commerciale vis-à-vis de quelques grands partenaires internationaux.

Pour les 10 commodités agroalimentaires les plus exportées, parts destinées aux marchés sous-régional, asiatique et mondial

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Source : IFPRI

Vincent Hébrail-Muet, Centre d’études et de prospective

Source : IFPRI