L’agriculture intensive impacte négativement la composition des populations d’oiseaux sur le long terme

L’agriculture est l’une des causes principales de perte de biodiversité, mais elle est aussi un levier majeur pour sa conservation. Des études récentes ont montré que certains paysages agricoles pouvaient abriter une forte biodiversité. Toutefois, les effets à moyen et long termes sont encore peu connus. Dans un article publié en février dans la revue Nature, des chercheurs ont analysé l’impact des monocultures intensives sur la composition des communautés avicoles au Costa Rica. Pour cela, ils ont collecté pendant 18 ans (2000-2017) des données sur les communautés d’oiseaux, dans quatre grands écosystèmes du pays (forêts sèches de plaine, forêts humides de plaine, de moyenne altitude et de basse montagne), pour trois types d’occupation des sols (forêts naturelles, agricultures diversifiées et intensives). Au total, ils ont recueilli plus de 281 000 observations d’oiseaux, de 510 espèces différentes, et les ont combinées avec des données sur le climat et la végétation.

Cinq résultats se dégagent de l’analyse de ces données. Tout d’abord, les espèces d’oiseaux sont plus nombreuses dans les forêts naturelles et dans les milieux agricoles diversifiés que dans les monocultures (52 % de moins qu’en forêt). De plus, la composition des communautés d’oiseaux évolue au fil du temps dans les paysages agricoles, en particulier dans les zones de monocultures, alors qu’elle se maintient dans les forêts naturelles (figure ci-dessous). Ces changements s’expliquent notamment par des modifications de l’abondance relative des espèces : baisse de 28 % du nombre de nectarivores et augmentation de 19 % des granivores.

Évolution de la composition des communautés d’oiseaux (a) dans les forêts naturelles (b), les milieux agricoles diversifiés (c) et les monocultures (d)

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Source : Nature

Lecture : le graphique de gauche montre l’évolution de l’indice de Bray-Curtis qui mesure la similarité de la communauté d’oiseaux au temps t par rapport à l’année 2000. Les graphiques de droite représentent les tendances temporelles moyennes pour cet indicateur. L’ombrage indique un intervalle de confiance de 95 %. Les déviations positives ou négatives indiquent des tendances de long terme.

Si le nombre d’espèces observées et l’abondance totale en oiseaux ne diminuent pas, les auteurs constatent en revanche un déclin du nombre d’espèces endémiques et menacées en monocultures (figure ci-dessous). Enfin, ils montrent que dans ces milieux, les changements de climat (précipitations et températures) et de végétation influencent la composition des communautés d’oiseaux, ce qui n’est pas le cas dans les forêts naturelles et les milieux agricoles diversifiés. Ces résultats confirment que la transition écologique de l’agriculture est un des leviers pour préserver la biodiversité avicole.

Évolution du nombre d’espèces endémiques et menacées dans les forêts naturelles (a), les milieux agricoles diversifiés (b) et les monocultures (c)

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Source : Nature

Estelle Midler, Centre d’études et de prospective

Source : Nature