Vulnérabilité de l’agriculture et des pêcheries marines face au changement climatique

La revue Sciences advances a présenté, fin novembre, une étude consacrée à la vulnérabilité des systèmes de production alimentaire de différents pays du monde face aux effets du changement climatique. Le travail se focalise sur l’agriculture (hors élevage) et les pêcheries marines, dans respectivement 240 et 194 pays ou régions. Deux scénarios à horizon 2100 sont étudiés : un scénario « business as usual » ne supposant pas de réduction particulière des émissions de gaz à effet de serre ; un scénario de limitation forte conforme aux objectifs de l’Accord de Paris.

L’étude révèle que le changement climatique peut avoir des effets « gagnant-gagnant », « gagnant-perdant » et « perdant-perdant » pour l’agriculture et la pêche. Les régions tropicales seraient les plus exposées aux situations « perdant-perdant », sachant qu’elles sont également les plus vulnérables vis-à-vis de l’emploi, de la sécurité alimentaire et du revenu, et avec une moindre capacité d’adaptation. Les pays situés à une plus haute latitude, quant à eux, feraient face à des impacts plus faibles, voire à des situations gagnant-gagnant (Canada, Russie). Ainsi, le scénario business as usual exposerait 90 % de la population mondiale à des situations perdant-perdant et moins de 3 % à des situations gagnant-gagnant. Le scénario « Accord de Paris », en revanche, se traduirait par une exposition plus réduite de la population (60 %) à des situations perdant-perdant et plus de personnes (jusqu’à 5 %) se trouveraient dans des situations gagnant-gagnant. De plus, les effets « perdant » seraient de moindre amplitude que dans le scénario business as usual.

Écart de productivité de l’agriculture (A) et des pêcheries marines (B) à horizon 2100 sous le scénario « business as usual »

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Source : Science advances

Les auteurs en concluent que les stratégies pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre – à supposer qu’elles soient d’ampleur mondiale et maintenues dans le temps –, réduiraient massivement la vulnérabilité humaine aux impacts sur l’agriculture et les pêcheries marines. Et cela y compris dans les pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Les auteurs invitent à envisager des stratégies d’adaptation intersectorielles dans les pays faisant face à des situations gagnant-perdant, par exemple pour réduire la production agricole au bénéfice de la pêcherie marine, ou inversement. Des pistes de recherche complémentaires sont évoquées, notamment le développement de l’aquaculture, pour les États qui disposent d’infrastructures adaptées.

Amplitude des changements de la productivité agricole et des pêcheries marines (intérieur des anneaux A et B), et proportion de la population mondiale affectée (extérieur des anneaux A et B), selon deux scénarios d’émissions de CO2 (RCP8.5 et RCP2.5)

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Source : Science advances

Vincent Hébrail-Muet, Centre d’études et de prospective

Source : Science advances