Protection des poissons pélagiques au niveau international : comment cibler les espaces et les espèces prioritaires ?

La pêche commerciale entraîne la surexploitation de près de 75 % des requins pélagiques et 30 % des espèces de thons. Afin d’appuyer la mise en place de mesures de protection, des chercheurs ont identifié, dans un article de mars 2019 publié dans Science Advances, des zones de pression exercées sur sept de ces espèces. L’étude se limite au nord-est de l’océan Pacifique et a pour objectif d’établir si les zones de forte activité de pêche se superposent à des habitats cruciaux pour ces poissons (leur activité y étant intense), les rendant ainsi d’autant plus vulnérables à cette menace.

Pour ce faire, des données satellitaires ont été utilisées afin de déterminer les zones de pêche hautement exploitées. Les habitats cruciaux ont été, quant à eux, reconstitués à partir de données de traçage par balise des espèces choisies. Les chercheurs ont ensuite quantifié le nombre de recoupements, entre zones de pêche et d’habitat, localisés dans les zones économiques exclusives des États ou en haute mer (juridiction internationale).

Dans le nord-est du Pacifique, 35 % des habitats identifiés comme cruciaux pour les espèces étudiées correspondent également à une forte activité de pêche. Chaque espace de recoupement est en moyenne exploité par la flotte de six pays, et cinq pays (Mexique, Taïwan, Chine, Japon et États-Unis) ont des flottes responsables de plus de 90 % du recoupement. Plus particulièrement, concernant le requin saumon, 94 % de ces espaces sont localisés dans les zones économiques exclusives du Canada et des États-Unis. Ces deux pays pourraient donc, à eux seuls, œuvrer significativement à la préservation de l’espèce, sans avoir besoin du concours de pays tiers. Au contraire, pour le requin bleu, 87 % des espaces de recoupement se situent dans les eaux internationales. La mise en place d’accords internationaux est alors essentielle.

Dans le cadre de l’ouverture de débats aux Nations unies sur la mise en place d’un traité de protection de la haute mer, cette étude propose une méthode intéressante pour cibler des zones et des espèces à protéger en priorité au niveau international.

Juridiction (zone économique exclusive – EEZ – ou haute mer) des espaces de recoupement entre habitats des espèces étudiées et zones de pêche fortement exploitées, nord-est du Pacifique

Poissons.jpg

Source : Science Advances

Aurore Payen, Centre d’études et prospective

Source : Science Advances