Environnement et rentabilité dans une région du nord-ouest de l’Argentine

Un article de la revue Población & Sociedad de juin 2018 analyse, dans un contexte de déforestation, l’évolution d’un modèle de production de commodités agricoles dans les provinces argentines de Tucumán et Santiago del Estero. L’étude s’appuie sur des sources variées : documents sur l’histoire de l’occupation des terres, recensements agricoles pour l’évolution de la structure agraire, images satellitaires pour les changements d’affectation des sols, et entretiens sur le terrain avec chercheurs, techniciens agricoles, membres de la coopérative Unión y Progreso, producteurs agricoles et consultants.

Alors que la canne à sucre était une quasi monoculture à Tucumán, une crise de surproduction en 1965 a conduit à une politique de reconversion productive, favorisant la culture du soja. Une dizaine d’années plus tard a débuté une nouvelle étape d’expansion, par déforestation, de la frontière agricole vers l’Est (Nord-Ouest de Santiago del Estero). Mais la dégradation des sols par la culture du soja a progressivement poussé les rendements à la baisse, conduisant les techniciens agricoles à recommander la rotation soja-maïs. Depuis les années 1990, suite à la commercialisation du soja OGM résistant au glyphosate et dans un contexte de prix internationaux favorables, le « paquet technologique » semis direct-OGM-glyphosate a été largement adopté, alors vu comme une solution au problème de rentabilités et de rendements décroissants. Selon les auteurs, les limites environnementales du modèle ont été atteintes dès le milieu des années 2000, avec l’apparition d’insectes et mauvaises herbes résistants à l’herbicide.

Ce état de faits a conduit les producteurs agricoles, ces dernières années, à considérer la dimension agro-environnementale comme une partie intégrante de leurs stratégies de diversification et d’amélioration de la productivité : reprise de la rotation soja-maïs, augmentation de la surface en canne à sucre, incorporation de valeur ajoutée sur place via la production porcine, organisation politique des agriculteurs en tant qu’interlocuteurs de l’État, et revendiquant des politiques différentielles qui tiennent compte de leur moindre compétitivité par rapport à d’autres régions du pays.

Hugo Berman, Centre d’études et de prospective

Source : Población & Sociedad